Rhumatologie
Goutte axiale : une nouvelle entité avec atteinte rachidienne douloureuse
La goutte peut être à l’origine de fréquents dépôts d’acide urique au niveau de la région lombosacrée sur le scanner double énergie et ces dépôts s’accompagneraient d’un syndrome inflammatoire et de douleurs lombaires aiguës. C’est une nouvelle entité : la goutte axiale.
- Michael Toprover (New York)
L’étendue réelle des dépôts d’acide urique au niveau de la colonne vertébrale des malades goutteux, y compris ceux qui sont asymptomatiques ou ceux ayant des symptômes non spécifiques, a été évaluée en DECT (scanner double-énergie), une technique scanner moderne sensible et validée pour les dépôts tissulaires d’acide urique.
Dans cette étude cross-control, présentée en session imagerie lors du congrès annuel de l'American College of Rheumatology (ACR 2021) (Abstract 467), l’analyse DECT fait apparaître que les volumes des dépôts d’acide urique au niveau lombo-sacré sont variables mais seraient plus importants chez les patients goutteux par rapport à des patients témoins non goutteux, en particulier en cas de tophus. Ces dépôts rachidiens semblent associés à un syndrome inflammatoire persistant plus important et à des lombalgies aiguës.
Une étude en DECT
L’étude a recruté 75 personnes pour les répartir en 3 groupes : goutteux avec tophus, goutteux sans tophus et non-goutteux (témoins), et 72 ont terminé l'étude. Tous les groupes sont identiques en termes d'âge (témoins 61.8 ans, sans tophus 64.0 ans, avec tophus 60.4 ans, p=0.81) mais ils diffèrent en termes de BMI (témoins 28.3 kg/m2, sans tophus 34.1 kg/m2, avec tophus 29.5 kg/m2, p=0.03) et la créatinine (témoins 1.0mg/ dL, sans tophus 1.4 mg/dL, avec tophus 1.4 mg/dL, p< 0.05).
Les valeurs moyennes de l’uricémie et de la VS sont plus élevées chez les sujets goutteux (uricémie : témoins 5,3 mg/dL, sans tophus 8,5 mg/dL, avec tophus 8,5 mg/dL, p< 0,05 ; VS : témoins 13,7 mm/h, sans tophus 26,5 mm/h, avec tophus 25,1 mm/h, p< 0,05).
Des dépots d'acide urique au rachis
En utilisant les paramètres DECT standard pour la visualisation des dépôts d’acide urique, les patients goutteux ont des volumes de dépôts d’acide urique (5,23 cm3) plus importants au rachis lombosacré que les témoins (2,2 cm3 ; p=0,03). Les dépôts d’acide urique sont plus importants chez les patients souffrant de tophus (6,0 cm3) par rapport aux autres (4,4 cm3 ; ns).
La réanalyse d'un sous-ensemble de scans DECT utilisant des paramètres plus spécifiques pour éliminer les artefacts réduit le nombre de goutteux avec un signal acide urique au rachis mais confirme la plus grande prévalence des dépôts chez les patients goutteux (n=29 ; contrôles = 0/9, sans tophus = 1/11, avec tophus = 2/9). Les douleurs rachidiennes sont également plus fréquentes chez les patients goutteux sans que le DECT n’ai permis de montrer de tophus typique au rachis.
Une nouvelle entité : la goutte axiale
Au-delà des dépôts d’acide urique dans la 1ère MTP, les doigts, l’olécrâne et les oreilles, la goutte axiale pourrait être plus fréquente qu'on ne le pensait auparavant. Une centaine de cas ont été publiés, associés à une douleur rachidienne aiguë (68%), une compression de la moelle épinière et/ou des symptômes neurologiques (steppage ; 65%), le diagnostic ayant été le plus souvent établi par une procédure invasive (excision chirurgicale ou biopsie). Le taux sérique d’acide urique y est supérieur à 70 mg/l dans 80% des cas avec des taux médians de 99 mg/l. Le rachis lombaire est concerné dans 57% des cas, avec plus d’une localisation dans près de 20% des cas.
Au final, le DECT (scanner double énergie) permet une évaluation précise des dépôts d’acide urique et montre que ces dépôts se produisent également au rachis, en plus des sites classiques. Ces dépôts rachidiens d’acide urique sont plus fréquents au cours des gouttes tophacées et s’accompagnent s’un syndrome inflammatoire et de douleurs rachidiennes parfois aiguës.











