Neurologie

Fibromyalgie : la thèse d’une agression neurologique auto-immune se précise

De nouveaux travaux de recherche montrent que de nombreux symptômes de la fibromyalgie seraient causés par des anticorps ciblant le système nerveux pariphérique et central, ceux-ci augmentant en particulier l'activité des nerfs sensitifs à la douleur.

  • fizkes/istock
  • 02 Juillet 2021
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    Une nouvelle étude menée par l'Institute of Psychiatry, Psychology & Neuroscience (IoPPN) du King's College de Londres, en collaboration avec l'université de Liverpool et le Karolinska Institute de Stockholm, montre que de nombreux symptômes de la fibromyalgie seraient causés par des anticorps qui augmenteraient l'activité des nerfs sensitifs à la douleur dans tout le corps.

    L'étude, publiée dans le Journal of Clinical Investigation, montre que l'augmentation de la sensibilité à la douleur, la faiblesse musculaire, la réduction des mouvements et la diminution du nombre de petites fibres nerveuses dans la peau, caractéristiques de la fibromyalgie, pourraient toutes être des conséquences de la fixation des anticorps sur différentes structures nerveuses des patients.

    Une expérience de transfert d’IgG

    Les chercheurs ont injecté à des souris des anticorps provenant de personnes atteintes de fibromyalgie. Ils ont observé que les souris ont rapidement développé une sensibilité accrue à la pression et au froid, ainsi qu'une réduction de la force de préhension des mouvements. Les souris traitées avec des IgG provenant de patients atteints de fibromyalgie auraient une sensibilité accrue aux stimulations mécaniques et thermiques, et les fibres nociceptives dans les préparations cutanées et nerveuses des souris traitées avec des IgG provenant de patient fibromyalgiques ont une réactivité accrue aux stimulations thermiques et mécaniques.

    En revanche, les souris auxquelles on a injecté du sérum provenant de patients fibromyalgiques appauvri en IgG, ou du sérum de personnes en bonne santé, n'ont pas été affectées. Par ailleurs, les IgG de ces personnes saines n'ont pas activé directement les neurones sensoriels. Ceci témoignerait de l’importance des anticorps des malades dans les douleurs fibromyalgiques qui sont de type neuropathique : ces IgG seraient à l'origine de la maladie, ou du moins y contribueraient largement.

    Le rôle réversible des IgG

    Les IgG des patients fibromyalgiques se fixeraient directement sur les cellules gliales et sur les neurones in vivo et in vitro, ainsi que sur les trajets de fibres myélinisées et dans les ganglions des racines dorsales de la souris, mais nulle part dans la moelle épinière, alors qu’ils se fixeraient sur les ganglions des racines dorsales humaines.

    De plus, les souris auxquelles on avait injecté des anticorps de fibromyalgiques se sont rétablies après quelques semaines, lorsque les anticorps ont été naturellement éliminés de leur système immunitaire. Cette étude suggère fortement que les traitements qui réduisent les niveaux d'anticorps sont susceptibles d'être des traitements efficaces. De tels traitements, immunosuppresseurs ou immunoglobulines, sont déjà disponibles et sont utilisés pour traiter d'autres troubles causés par des auto-anticorps.

    Une hypersensibilité généralisée

    La fibromyalgie se caractérise par, des douleurs et une hypersensibilité, généralisées, et les malades ressentent généralement une grande fatigue et une détresse émotionnelle. L'étiologie et la physiopathologie de la fibromyalgie ne sont pas entièrement expliquées et il n'existe aucun traitement médicamenteux efficace à plus de 50% de soulagement.

    Ces résultats supportent l’hypothèse que les IgG des patients fibromyalgiques seraient capables de provoquer une hypersensibilité sensorielle douloureuse en sensibilisant les afférences nociceptives périphériques et suggèrent que les traitements réduisant les titres d'IgG chez ces patients pourraient être efficaces sur la fibromyalgie. Ceci avait déjà été évoqué dans une étude précédente sur la douleur chronique qui démontrait l’intérêt des immunoglobulines.

    De nouvelles perspectives

    Le traitement de la fibromyalgie est actuellement axé sur des exercices aérobiques doux, ainsi que sur des thérapies médicamenteuses et psychologiques destinées à gérer la douleur, bien qu'elles se soient avérées inefficaces chez la plupart des patients et qu'elles aient laissé un énorme besoin clinique non satisfait. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives. Les anticorps de personnes atteintes de fibromyalgie et vivant dans deux pays différents, le Royaume-Uni et la Suède, ont donné des résultats similaires, ce qui renforce considérablement l’intérêt de cette étude. La prochaine étape consistera à identifier les cibles auxquelles se lient les anticorps induisant les douleurs et leur cause.

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