Oncologie
Toxicité cardiaque et radiothérapie thoracique : ce que l’on connait et ce vers quoi l’on tend
Diverses doses de radiothérapie sur le cœur ont été associées à une toxicité cardiaque. Cette revue de la littérature rappelle la toxicité cardiaque induite par l’irradiation thoracique, et discute les contraintes de doses existantes et futures1.
- Thomas Hecker/istock
La toxicité cardiaque de la radiothérapie est un thème récurrent depuis plusieurs années. Diverses doses de radiothérapie sur le cœur ont été associées à une toxicité cardiaque, mais il n’existe pas de contraintes de doses uniformes et clairement établies. La radiothérapie thoracique administrée dans le cadre de la prise en charge d’un cancer du sein ou d’un lymphome est connue pour entrainer une toxicité cardiaque induite par la radiothérapie (TCIR), ou RIHD en anglais (radiation-induced heart disease), plusieurs années après le traitement.
Le cancer du poumon étant une maladie au pronostic sombre (taux de survie à 5 ans entre 10% et 15% tous stades confondus), le contrôle tumoral a été une priorité dans la réalisation des traitements, en prenant moins en compte le risque d’effets secondaires tardifs. Les résultats de l’essai Lung Art présentés à l’ESMO 2020 ont montré une majoration du taux de décès pour cause cardiaque (16.2%) dans le bras radiothérapie post-opératoire versus le bras contrôle (2%) chez les patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) opéré de stade III, avec une atteinte N2 prouvée2.
Un sur-risque de décès en cas de radiothérapie thoracique dépendant de la dose
L’essai de phase III (RTOG016173)3 qui proposait une chimio-radiothérapie concomitante à des patients atteints de CBNPC de stade III inopérables a montré en 2015 que la médiane de survie des patients dans le bras haute dose (74 Gy) était inférieure à celle des patients dans le bras dose standard (60 Gy), les doses au cœur élevées étaient associées à un sur-risque de décès en analyse multivariée.
La physiopathologie de la toxicité cardiaque induite par la radiothérapie regroupe de nombreux mécanismes : le développement d’une fibrose et d’une calcification des vaisseaux dont l’aorte, une sténose des valves mitrale et aortique, une sténose des coronaires, et une atrophie myocardique, entre autres.
Par ailleurs, les patients recevant de la radiothérapie thoracique pour une néoplasie pulmonaire ont souvent des comorbidités cardiovasculaires associées. Ces antécédents cardiovasculaires sont un facteur de risque indépendant de la dose au cœur reçue dans la survenue d’un évènement cardiaque majeur : une étude rétrospective4 parue en 2019 sur 748 patients atteints d’un CBNPC localement avancé inopérable irradiés a montré que chez les patients sans facteur de risque cardiovasculaire, une dose médiane au cœur ≥10 Gy augmentait le risque d’évènement cardiovasculaire majeur.
L’avenir proposera probablement une prise en compte des sous-structures cardiaques en cas d’irradiation
Les doses reçues au niveau des sous-structures cardiaques semblent aujourd’hui aussi, voire plus, importantes que la dose au cœur totale. Des études récentes soutiennent que l’irradiation de la « base » du cœur est plus fortement associée à la survenue d’évènements cardiovasculaires. La zone anatomique de cette « base » du cœur est située en arrière du sternum, au niveau des 3ème côtes, elle comprend l’oreillette gauche et sa connexion avec les veines pulmonaires, le ventricule droit avec l’origine des artères coronaires, la « base » du cœur inclut aussi le nœud de conduction cardiaque sino-atrial.
Pour résumer la radiothérapie thoracique entraine une toxicité cardiaque par différents mécanismes. Les patients atteints de tumeurs thoraciques sont à haut risque de toxicité cardiaque d’une part du fait de leur antécédents cardiovasculaires, d’autre part de fait de l’irradiation cardiaque secondaire à la radiothérapie thoracique reçue.
Afin d’améliorer la prise en charge de ces patients à haut risque cardiaque, plusieurs options sont à développer à l’avenir : d’une part l’utilisation d’atlas cardiaques suffisamment détaillés dans la réalisation de la radiothérapie thoracique ; d’autre part un contrôle qualité suffisant des plans de traitement de radiothérapie ; et enfin une meilleure compréhension des effets secondaires cardiaques de la radiothérapie restent à explorer avec éventuellement des techniques plus sophistiquées d’analyses de la fonction cardiaque (étude de la perfusion cardiaque, de l’électro-conduction physiologique…).
Dr Clémence Basse, Institut du Thorax Curie-Montsouris, Hôpital Institut Curie, Paris
1 Cardiac toxicity of thoracic radiotherapy : existing evidence and future directions. Banfill et al. Journal of Thoracic Oncology, 2021
2 An international randomized trial, comparing post-operative conformal radiotherapy (PORT) to no PORT, in patients with completely resected non-small cell lung cancer (NSCLC) and mediastinal N2 involvement ; Primary end-pointanalysis of LungART (IFCT-0503, UK NCRI, SAKK) NCT00410683. Le Pechoux et al. Annals of Oncology, 2020
3 Standard-dose versus high-dose conformal radiotherapy with concurrent and consolidation carboplatin plus paclitaxel with or without cetuximab for patients with stage IIIA ir IIIB non-small-cell lung cancer (RTOG0617) : a randomised, two-by-two factorial phase 3 study. Lancet Oncol. Bradley et al. 2015.
4 Cardiac radiation dose, cardiac disease, and mortality in patients with lung cancer. Atkins et al. J Am Coll Cardiol, 2019











