Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : quelle place pour les inhibiteurs de JAK ?

Dans la polyarthrite rhumatoïde avec réponse inadéquate à une première immunothérapie biologique spécifique, l’udapacitinib pourrait être supérieur à l’abatacept, ce qui pourrait positionner les inhibiteurs de JAK plus tôt dans l’algorithme de traitement. Mais le diable est dans les détails.

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  • 15 Octobre 2020
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    Malgré le grand nombre de traitements disponibles, une proportion importante de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde ont une réponse inadéquate à leur premier DMARD biologique. De nouvelles molécules, ayant un mode d'action différent, sont donc intéressantes.

    Récemment, de petites molécules qui inhibent les voies de signalisation intracellulaires de la Janus kinase (JAK) sont devenues disponibles. L’udapacitinib est l’une d’elle et a été comparée à l’abatacept, un inhibiteur de la co-stimulation des lymphocytes T, chez des PR en échec d’une première immunothérapie par anti-TNF. Les résultats sont, en apparence, nettement en faveur de l’udapacitinib mais l’analyse approfondie est plus nuancée. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.

    Supériorité sur le DAS-CRP

    À la semaine 12, le DAS28-CRP diminue de façon significativement plus importante dans le groupe upadacitinib par rapport au groupe abatacept (-2,52 contre -2,00 : p<0.001). Dans cette analyse, non seulement la non-infériorité de l’upadacitinib est démontrée par rapport à l'abatacept, mais la supériorité l’est également. Le pourcentage de rémission (DAS28-CRP<2.6) est de 30% dans le groupe udapacitinib et de 13,3% dans le groupe abatacept.

    Les événements indésirables graves sont cependant 2 fois plus fréquents dans le groupe upadacitinib, avec notamment la survenue d’un AVC non-fatal et de deux événements thromboemboliques, une complication qui semble plus fréquente chez les inhibiteurs de JAK. Il y a également plus d’évènements hépatiques dans le groupe udapacitinib, ainsi qu’une élévation du LDL-cholestérol plus fréquente, que dans le groupe abatacept. Mais les interruptions de traitement avant la fin de l’études sont équivalentes dans les 2 groupes.

    Etude randomisée sur plus de 600 malades

    Dans l'essai SELECT-CHOICE de 24 semaines, 613 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde avec réponse inadéquate à au moins un DMARD biologique spécifique ont été randomisés entre recevoir de l'upadacitinib par voie orale (15 mg une fois par jour) ou de l'abatacept par voie intraveineuse, un modulateur de la costimulation des lymphocytes T, tous deux en sus d’un traitement de fond par un DMARD synthétique conventionnel.

    Le principal critère d'évaluation était le changement par rapport au niveau initial du DAS28-CRP à la semaine 12, en non-infériorité de l'upadacitinib par rapport à l'abatacept.

    Apport majeur des biothérapies

    Le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, et d'autres rhumatismes inflammatoires chronique, a été transformé par l’arrivée des DMARDS biologiques. Selon les recommandations, ces immunothérapies biologiques ciblées sont ajoutées lorsque les traitements de fond classiques (DMARD synthétiques) sont insuffisants en première ligne.

    Outre les inhibiteurs du TNF-α, les biothérapies actuelles de la polyarthrite rhumatoïde ciblent les lymphocytes B, l'interleukine 6 ou la costimulation des lymphocytes T. Avec ces nouvelles biothérapies, la rémission est désormais un objectif atteignable, en particulier pour les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde récemment diagnostiquée.

    Amélioration à bien évaluer

    Le fait que le score composite DAS28-CRP comprenne la CRP n’est pas innocent, car l'upadacitinib (comme d'autres inhibiteurs de JAK) bloque partiellement la voie de l'interleukine-6 et réduit donc les niveaux de CRP (marqueur post-hépatitique de l’IL-6), et ceci indépendamment de l'activité de la maladie.

    Sans surprise, les auteurs observent une diminution importante du taux de CRP chez les patients du groupe upadacitinib, alors que le nombre d'articulations gonflées (synovites) ou douloureuses, autres composants du DAS28-CRP, ne diffèrent pas de manière significative entre les groupes de traitement étudiés. Il en est de même pour l’évaluation de l’activité de la maladie par le malade.

    L'activité de la maladie, mesurée par le DAS28-VS et l’index d'activité clinique de la maladie (CDAI), qui n'incluent pas la CRP, sont des critères d’évaluation exploratoires dans cette étude : ils montrent des différences entre les groupes qui vont dans le même sens que celles observées pour le critère principal mais dont la significativité est incertaine à la lecture de la publication (annexes).

    Attention aux thromboses tardives

    La meilleure connaissance des inhibiteurs de JAK, notamment vis-à-vis d’une augmentation du risque d'événements thromboemboliques, a progressé et il apparaît que ces complications peuvent survenir au-delà d’un délai de 6 mois. Un essai de 24 semaines peut donc être trop court pour évaluer correctement le risque d'évènements thromboemboliques sur un traitement à long terme.

    Il faudra donc attendre les données futures de suivi à long terme pour vérifier si l'amélioration des résultats articulaires liés à l’udapacitinib est confirmée et justifie un risque accru d'événements indésirables. Cela nécessite donc des données plus matures avec un suivi à plus long terme et des mesures indépendantes par rapport à la CRP et à la VS.

    Une molécule prometteuse

    En essayant de démontrer la supériorité de l'upadacitinib sur l'abatacept chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde difficiles à traiter avec une réponse inadéquate à un DMARD biologique spécifique, les auteurs de cette étude SELECT-CHOICE cherchent à positionner les inhibiteurs de JAK plus tôt dans l'algorithme des traitements de la polyarthrite rhumatoïde, en alternative aux immunothérapies biologiques spécifiques.

    Mais, à 24 semaines dans l'essai SELECT-CHOICE, il y a plus d'événements indésirables graves dans le groupe upadacitinib que dans le groupe abatacept. Pour être positionnés avant les immunothérapies biologiques spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde, les inhibiteurs de JAK doivent non seulement prouver qu'ils sont efficaces, mais aussi que leur tolérance est équivalente, et éventuellement être moins chers que les immunothérapies spécifiques.

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