Oncologie digestive
Cancer du pancréas : place de la radiochimiothérapie en pré-opératoire
La radiochimiothérapie apporte un bénéfice pour les cancers "borderline" mais pas pour les cancers résécables d'emblée
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Les stratégies thérapeutiques des adénocarcinomes du pancréas ont fortement évolué ces dernières années avec tout d’abord la recommandation des sociétés savantes de ne plus inclure les adénocarcinomes localement avancés et métastatiques dans les mêmes essais thérapeutiques, puis la définition des cancers de résécabilité limite ou « borderline ».
Une étude de phase 3 pour évaluer la radiochimiothérapie
L’étude PREOPANC est une étude de phase III randomisée ayant évalué l’intérêt d’une radiochimiothérapie (15 fractions de 2,4 Gy) à base de gemcitabine (7 injections de 1000 mg/m² en pré, per et post-radiothérapie) en pré-opératoire chez les patients avec un adénocarcinome du pancréas, résécable ou borderline. Les patients étaient randomisés entre un bras RCT pré-op et un bras chirurgie d’emblée.
En cas de résection R0/R1, les patients recevaient une chimiothérapie adjuvante par gemcitabine, 4 mois dans le bras pré-op et 6 mois dans le bras chirurgie. La résection R1 était définie par des cellules tumorales à ≤ 1 mm de la marge de résection. L’objectif principal était la survie globale. Cette étude a été menée dans 16 centres experts Néerlandais d’Avril 2013 à Juillet 2017, 246 patients ont été inclus en intention de traiter : 133 patients (54%) avec une tumeur résécable d’emblée et 113 patients (46%) avec une tumeur borderline (contact artériel < 90°).
Amélioration de la survie globale
Le taux de résection chirurgicale n’est pas significativement différent entre les bras pré-op (61%) et chirurgie d’emblée (72% ; p=0,058). Par contre, le taux de résection R0 est significativement plus élevé dans le bras pré-op (72% vs 40% ; p<0,001) et il y a significativement moins de ganglions envahis (33% vs 78% ; p<0,001), d’engainements périnerveux (39% vs 73% ; p<0,001) ou d’emboles vasculaires (19% vs 36% ; p=0,024) en cas de traitement pré-op.
Après une médiane de suivi de 27 mois, la médiane de survie globale est de 16,0 mois dans le bras pré-op et de 14,3 mois dans le bras chirurgie (HR=0,78 ; IC 95% : 0,58-1,05 ; p=0,096). La survie sans maladie (HR=0,73 ; IC 95% : 0,55-0,96 ; p=0,032) et la survie sans échec locorégional (HR=0,56 ; IC 95% : 0,38-0,83 ; p=0,0034) sont significativement meilleures dans le bras pré-op mais il n’y a pas de différence pour la survie sans métastase à distance (HR=0,82 ; IC 95% : 0,58-1,14 ; p=0,24).
Validation des recommandations
En analyse de sous-groupes le bénéfice de la RCT pré-op n’est retrouvé que pour les tumeurs borderline (en survie globale, sans maladie et sans échec locorégional) mais pas pour les tumeurs résécables d’emblée. Le bénéfice de la RCT pré-op est limité dans cette étude aux seuls patients avec un cancer borderline. Les résultats de cette étude valident la recommandation de traitement d’induction pour tous les cancers borderline.
Après FOLFIRINOX puis RCT, les taux de résection R0 rapportés apparaissent supérieurs à celui rapporté dans cette étude.7,8 Une RCT à base de gemcitabine est sous-doute sous optimale et la plupart des études en cours évaluent une chimiothérapie d’induction (FOLFIRINOX ou gemcitabine plus nab-paclitaxel) +/- suivie d’une radiochimiothérapie. En France, l’étude de phase II randomisée PANDAS compare 6 cycles de FOLFIRINOX versus 6 cycles de FOLFIRINOX suivie d’une RCT.
Des résultats variables selon la typologie de cancer
Chez les patients avec un cancer résécable d’emblée, la RCT pré-op n’amène pas de bénéfice par rapport à une chirurgie d’emblée suivie d’une chimiothérapie adjuvante. Là encore, le schéma pré-op est sans doute sous-optimal. En France, l’étude de phase II randomisée PANACH-01 compare deux bras de chimiothérapie néoadjuvante par FOLFOX ou FOLFIRINOX à un bras chirurgie d’emblée chez les patients avec une tumeur résécable. Le bras FOLFOX a été clos prématurément.
La chimiothérapie d’induction est devenue le standard pour les cancers localement avancés en raison d’une progression métastatique dans 30% à 40% des cas durant la RCT, la RCT de clôture restant une vraie option en cas de contrôle de la maladie. L’absence d’amélioration de la survie sans métastase dans PREOPANC suggère qu’une stratégie de chimiothérapie 1ère suivie ou non d’une RCT en cas de contrôle de la maladie est sans doute la meilleure option thérapeutique pour les adénocarcinomes du pancréas résécables ou borderline.
Enfin, le taux de complications post-opératoires est plus élevé dans le bras RCT pré-op (68% vs 50% ; p=0,026), et il existait une tendance pour le taux d’effets secondaires sérieux (52% vs 41% ; p=0,096). Ces résultats vont à l’encontre de ceux rapportés avec la stratégie FOLFIRINOX +/- RCT pour laquelle la mortalité et morbidité opératoire sont similaires à celles de la chirurgie d’emblée dans la grande majorité des études rapportées.
Des stratégies à adapter selon le type de cancer du pancréas
En cas de cancer résécable d’emblée (contact veineux sans déformation, absence de contact artériel), le traitement repose sur une résection chirurgicale d’emblée suivie d’une chimiothérapie adjuvante. Cette stratégie est impactée par le fait qu’un tiers à la moitié des patients ne peut recevoir une chimiothérapie adjuvante en raison de morbidité post-opératoire, et par des résultats carcinologiques médiocres avec un taux de résection R1 supérieur à 50% et un taux de pN+ de 75% ou plus. L’étude PANACH évalue en ce moment en France une chimiothérapie néoadjuvante par FOLFIRINOX chez ces patients.
En cas de cancer « borderline » (déformation veineuse, contact artériel ≤ 180°), les sociétés savantes recommandent désormais l’administration d’un traitement d’induction, reposant sur une chimiothérapie +/- suivie d’une radiochimiothérapie (RCT), avant une éventuelle résection secondaire. Cette stratégie n’a pas été validée dans une étude de phase III mais est basée sur le principe que la résection ne peut être que R1, et donc non optimale, en cas de contact artériel. Dans les études de phase II récentes, le taux de résection secondaire après une chimiothérapie d’induction par FOLFIRINOX +/- RCT est de l’ordre de deux tiers avec un taux de résection R0 > 90%. L’étude PANDA evalue actuellement en France l'intérêt d'ajouter une RCT au FOLFIRINOX en induction
En conclusion, cette étude de phase III randomisée est négative pour son objectif principal et ne doit pas amener à changer nos stratégies thérapeutiques.











