Neurologie
Régime végétarien : nouvelle étude en faveur de la réduction des AVC
A la différence de la récente étude EPIC-Oxford, une étude taiwanaise sur des cohortes bouddhistes montre qu'un régime végétarien réduit le risque d'accident vasculaire cérébral ischémique.
- vaaseenaa/istock
Selon une étude réalisée dans des communautés bouddhistes Tzu Chi de Taiwan, les personnes qui suivent un régime végétarien auraient un risque d'accident vasculaire cérébral nettement plus faible que les personnes non végétariennes, ceci même après ajustement sur les facteurs de risque les plus connus comme la pression artérielle, la glycémie et les taux de lipides dans le sang.
Dans une cohorte, les végétariens ont un risque d'accident vasculaire cérébral ischémique plus faible (HR 0,26 ; 95 % IC 0,08-0,88). Dans une seconde, ils ont un risque plus faible d'accident vasculaire cérébral ischémique (HR 0,41 ; 95% CI 0,19-0,88) et hémorragique (HR 0,34 ; 95% CI 0,12-1,00). L’étude est publiée dans la revue Neurology, associée à un éditorial.
Réduction nette des AVC
Alors que les participant n’avaient que 50 ans d’âge en moyenne à l’inclusion et que l’étude a duré peu de temps (5 à 7 ans dans la cohorte 1, et 9 ans dans la cohorte 2), la réduction des AVC est cependant nette.
Dans la cohorte 1 (recrutée entre 2007 et 2009 ; n=5 050), un total de 54 événements se sont produits sur 30 797 années-patients. Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont moins fréquents chez les végétariens (1,16 contre 1,99 pour 1 000 personnes-années). Après ajustement, la réduction du risque d’AVC ischémique est de 74% (les accidents hémorragiques cérébraux n'ont pas été analysés dans cette cohorte 1 car seuls huit cas ont été observés).
Dans la cohorte 2 (recrutée en 2005 ; n=8 302), un total de 121 événements se sont produits sur 76 797 années-patients. Les végétariens ont un risque global d’AVC plus faible (0,95 contre 1,88 pour 1 000 personnes-années ; HR 0,52 ; IC à 95% 0,33-0,82), avec une réduction du risque d’AVC ischémique d'environ 60% et une réduction du risque d’AVC hémorragique d'environ 65%.
Une étude sur 2 cohortes homogènes
Dans leur étude, les chercheurs ont suivi 5 050 personnes dans la Tzu Chi Health Study (cohorte 1) et 8 302 personnes dans la Tzu Chi Vegetarian Study (cohorte 2) et ont identifié les accidents vasculaires cérébraux à partir de la base de données de l'assurance maladie de Taïwan.
La plupart des participants à l'étude étaient des volontaires du Tzu Chi, des bouddhistes qui se sont engagés au service de la communauté, et qui ont suivi une formation d'au moins 2 ans sur les valeurs fondamentales du Tzu Chi. Ils ont, par ailleurs, arrêté de fumer et de boire de l'alcool pour devenir membres. La cohorte 1 a été recrutée de 2007 à 2009 ; la cohorte 2 a été recrutée en 2005. La durée moyenne du suivi a été de 6 ans pour la cohorte 1 et de 9 ans pour la cohorte 2. Les taux sériques vitamine B12 et de d’homocystéine ont été mesurés dans un sous-groupe de la cohorte 1 (n=1 528).
Pas d’alcool et de tabac
Environ 30 % des participants étaient végétariens en permanence dans les deux cohortes. Dans l'ensemble, les végétariens ont consommé plus de fibres et de protéines végétales (avec plus de noix, de légumes et de soja) et moins de graisses et de protéines animales que les non-végétariens. Les deux groupes ont consommé en moyenne des quantités similaires d'œufs et de fruits.
La plupart des participants se sont abstenus de consommer de l'alcool et du tabac, éliminant ainsi une source de confusion possible, bien que 15 à 20 % d'entre eux avaient consommé l'un ou l'autre ou les deux avant de rejoindre la communauté Tzu Chi.
Discordance entre les études
La recherche sur les régimes alimentaires et le risque d'accident vasculaire cérébral a donné des résultats discordants au fil des ans. Un régime méditerranéen a été associé chez les femmes à une réduction du risque d'accident vasculaire cérébral. Une méta-analyse a établi un lien entre les régimes sans viande et une baisse de la pression sanguine. La récente étude EPIC-Oxford a montré une augmentation du risque d'accident vasculaire cérébral chez les végétariens, en grande partie en raison d'un taux plus élevé d'accidents vasculaires cérébraux hémorragiques.
Les résultats de cette étude contrastent nettement avec cette étude EPIC-Oxford. Il est possible que cette différence soit liée à la différence de consommation d’alcool : 80% des végétariens de l'étude EPIC-Oxford ont bu de l'alcool à des degrés divers, mais la plupart des participants des cohortes bouddhistes Tzu Chi ont évité l'alcool (environ 6% des non-végétariens et moins de 1% des végétariens étaient des buveurs à l’inclusion).
Le problème de la vitamine B12
Les régimes végétariens augmentent traditionnellement le risque de carence en vitamine B12, qui à son tour augmente le risque d'accident vasculaire cérébral en augmentant le taux d'homocystéine totale dans le sang. La carence en B12 concernerait une personne sur 2 chez les lacto-ovo-végétariens, et la fréquence serait encore plus élevée chez les végétaliens, ce qui impose une supplémentation pour éviter une macrocytose ou une anémie.
Chez les végétariens de la cohorte 1, ce serait un apport élevé en vitamine B12 (au moins 2.4 μg par jour) qui pourrait être la cause des différences de bénéfice observé sur la réduction du risque d'accident vasculaire cérébral, selon les auteurs d’un éditorial associé. La raison de ce phénomène n'est pas claire mais il est possible qu'un seuil de 2,4 μg/j, seuil généralement admis comme suffisant pour prévenir les anomalies hématologiques, ne soit pas approprié pour ce qui concerne la prévention du risque d'accident vasculaire cérébral.
Au final, cette étude est intéressante, même si le bilan diététique n’a été fait qu’au lancement de l’étude : les régimes végétariens pourraient offrir un bénéfice sur le risque cérébrovasculaire, en particuliers en cas de consommation d’alcool faible ou absente, et au-delà de la seule action sur les facteurs de risque traditionnels. Le problème de la supplémentation en vitamine B12, rendue nécessaire par la carence induite par ces régimes, ne semble pas encore résolu.











