Addictologie
Cannabinoïdes : le lien avec le déclenchement d'une psychose mieux compris
La consommation régulière de cannabis et de cannabinoïdes de synthèse fortement concentré en THC serait responsable de troubles psychotiques.
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Récemment, des chercheurs britanniques du King’s College de Londres ont constaté que le cannabis était de plus en plus concentré en THC. Le THC, ou delta-9-tétrahydrocannabinol, désigne la puissance psychoactive du cannabis, ce qui fait "planer" les consommateurs.
Or, une autre étude britannique, réalisée aussi par des chercheurs du King’s College de Londres, estime que la consommation quotidienne de cannabis, surtout s'il est fortement concentré en THC, serait responsable de cas de troubles psychiatrique, de type psychose : le risque multiplié par 3 si c’est du cannabis (concentration en THC < 10%) et par 5 si c’est un cannabinoïdes de synthèse avec une concentration en THC supérieure à 10%. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue The Lancet Psychiatry.
Délires, hallucinations, altération de la perception du monde extérieur
Dans le passé, la communauté scientifique a déjà pointé le lien entre consommation importante de cannabis et troubles psychotiques tels que délires, hallucinations, altération de la perception du monde extérieur. Mais il était toujours possible d'évoquer une co-occurence des 2 phénomènes, ou même une forme d'auto-médication par des personnes schizophrènes à un stade précoce de leur maladie, avant le premier épisode psyhotique aigu.
La présente étude cherche à démontrer à quel point les deux phénomènes sont liés. Les chercheurs ont donc examiné la consommation de cannabis et la prévalence de troubles psychotiques dans 11 pays en Europe et au Brésil. Ensuite, ils ont comparé les facteurs de risque de psychose chez 901 patients avec un premier épisode psychotique et 1 237 personnes en bonne santé.
12% des troubles psychotiques pourraient être évités en Europe
L’équipe de chercheurs a constaté des disparités selon les villes. Ainsi, dans l’ensemble, les consommateurs réguliers de cannabinoide très concentré en THC (à plus de 10%) avaient quatre fois plus de risques de subir des troubles psychotiques. À Londres, le risque était cinq fois plus élevé, et à Amsterdam neuf fois plus élevé ! Dans ces villes, le cannabis à fort taux de THC est "largement disponible", selon les auteurs de l’étude. C’est le cas aussi à Paris.
Toujours selon les chercheurs, si certaines variétés de cannabinoïdes de synthèse n’existaient plus, 12% de premiers épisodes psychotiques pourraient être évités en Europe. "Nous fournissons la première preuve directe que la consommation de cannabis a un effet sur la variation de l’incidence des troubles psychotiques", concluent-ils.
Même une faible dose de cannabinoïde perturbe le cerveau
Cet essai est à mettre en parallèle avec la première étude randomisée, en cross-over, versus placebo qui démontre que même une faible dose inhalée (2 mg) de cannabinoïde de synthèse (le "Spice" qui est 4 à 5 fois plus puissant que le cannabis) altère les fonctions cognitives (pensée critique et mémoire), ralentit le temps de réaction et augmente le risque de confusion et de dissociation. Il existe bien sûr des variations en fonction des personnes, mais cette étude apporte pour la première fois des éléments concrets en faveur d'un impact direct des cannabinoïdes de synthèse sur le cerveau.
La communauté scientifique a depuis longtemps des soupçons sur le fait que la consommation régulière de cannabis pourrait causer l’apparition de troubles psychiatriques. Toutefois, il est très compliqué d’établir cette causalité en dehors d'une étude comparative randomisée... qu'il n'est bien sûr pas question de mener.











