Obstétrique
Une concentration élevée de vitamine D chez les femmes enceinte réduit le risque de carie chez l’enfant.
Faudra-t-il demain supplémenter les femmes enceintes pour optimiser la santé bucco-dentaire des enfants ? C’est l’un des enseignements d’une étude chinoise observationnelle qui vient d’être publiée.
- Dragon Claws/istock
Faut-il supplémenter la femme enceinte en vitamine D ? Le débat ne cesse de rebondir sur ces éventuels bienfaits. En France, la supplémentation n’est pas quotidienne. Et n’est pas programmée pour être dispensée à toutes les femmes enceintes. Elle est, à ce jour, recommandée au 7ᵉ mois de grossesse, sous forme d’une dose unique, pour prévenir la carence néonatale. Des administrations complémentaires seront envisagées en présence de facteurs de risque de type la peau foncée, une faible exposition solaire, l’obésité, une alimentation pauvre, ou des grossesses multiples. Mais l’étude mis en ligne par le Jama (Xu N, Chen Z, Wang B, et al. Vitamin D Levels During Pregnancy and DentalCaries in Offspring. JAMA Netw Open. 2025;8(12):e2546166.DOI:10.1001/jamanetworkopen.2025.46166. JAMA Network+1) change la focale. Ici sont recherchés les bienfaits éventuels pour l’enfant à naître. L’article renforce l’hypothèse d’un effet positif sur la santé dentaire pédiatrique, un enjeu moins souvent étudié dans la littérature. Les résultats reposent sur une cohorte prospective incluant 4 109 couples mère-enfant.
Le protocole de l'étude est particulièrement solide. Les femmes enceintes incluses dans l'essai ont bénéficié d’un dosage de 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D), à chaque trimestre de la grossesse.Le statut maternel en 25(OH)D constituait le principal paramètre d’étudePour les enfants, c'est la survenue de caries de la petite enfance qui a été mesuré.
Les critères secondaires incluent le score dmft (dents « decayed, missing or filled » — cariées, manquantes ou obturées) pour la dentition temporaire (et/ou permanente selon âge). Le taux de carie (rapport dmft / nombre de dents sorties), donne une mesure de la sévérité / charge de carie.
Plus de 4100 paires mères-enfants incluses.
Résultats principaux, sur les 4 109 paires mère-enfants incluses, 960 enfants ont présenté des caries de la petite enfance lors du suivi, tandis que 3 149 n’en avaient pas.
Plus les taux maternels de 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D) pendant la grossesse étaient élevés, plus le risque de caries chez l’enfant était faible. Cet effet protecteur était observable quel que soit le trimestre de mesure, mais était particulièrement net quand la vitamine D maternelle était mesurée au 2ᵉ et 3ᵉ trimestre
Pour chaque augmentation de 1 ng/mL de 25(OH)D maternel, l’odds ratio (OR) d’ECC diminuait (dans le 2ᵉ trimestre : OR ≈ 0.98, IC à 95 % 0.97–0.99). Ce qui est statistiquement significatif.
Mais comme pour toute étude observationnelle, elle présente des sérieuses limites. Certes une corrélation est établie. Mais ne peut pas affirmer que la vitamine D est la seule cause de réduction des caries. L’effet pourrait être influencé par d’autres facteurs de type hygiène bucco-dentaire, alimentation, soins dentaires, statut socio-économique, etc..
L’étude ne définit pas un seuil universel de vitamine D — on ne sait pas exactement quelle concentration confère “le bon niveau”.
Même si le suivi est relativement long jusqu’à l’enfance, il ne garantit pas que les différences observées persistent plus tard (adolescence, dents définitives, etc.). Le protocole ne couvre pas forcément toute la vie dentaire.
Limites d'une étude observationnelle.
Le fait d’être une population d’une région particulière (province chinoise de Zhejiang,) expose au danger de généraliser ces résultats à d’autres pays, climats, comportements alimentaires ou habitudes dentaires. Enfin, malgré un effectif important, l’étude ne prouve pas qu’une supplémentation systématique (ou quelle dose) pendant la grossesse soit suffisante pour prévenir les caries — elle montre une association, pas une recommandation définitive. Enfin, la causalité reste incertaine — l’hypothèse selon laquelle un bon statut en vitamine D maternel contribue à une meilleure minéralisation dentaire chez l’enfant est plausible biologiquement, mais il faudrait des essais interventionnels pour démontrer un effet direct, en contrôlant strictement les autres facteurs (hygiène, alimentation, fluor, etc.).
En conclusion, cette publication renforce l’hypothèse selon laquelle un statut optimal en vitamine D durant la grossesse pourrait contribuer à réduire la charge des caries précoces chez l’enfant. Des essais contrôlés randomisés seront nécessaires pour confirmer cette association et préciser le rôle potentiel d’une supplémentation ciblée dans la stratégie globale de prévention bucco-dentaire











