Rhumatologie

Douleur de l’épaule : la décompression arthroscopique sous-acromiale sans bénéfice

Chez des patients avec épaule douloureuse simple en relation possible avec un syndrome de conflit sous acromial, la décompression arthroscopique sous-acromiale (DAS) n’apporte aucun bénéfice clinique par rapport à une arthroscopie diagnostique simple (placebo) ou à un programme de rééducation structurée, y compris à 10 ans de suivi.

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  • 04 Décembre 2025
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    Le syndrome d’épaule douloureuse simple en rapport avec un possible conflit sous-acromial représente une cause fréquente des douleurs de l’épaule, et la décompression arthroscopique sous-acromiale (DAS) est devenue, dans de nombreux pays, l’une des interventions orthopédiques les plus fréquentes, malgré l’accumulation d’essais négatifs à court et moyen termes. Il s’agit d’une chirurgie arthroscopique visant à élargir l'espace sous-acromial pour réduire le frottement entre l'acromion et la coiffe des rotateurs et plus large que la simple acromioplastie puisqu’elle comprend une bursectomie et un résection partielle antérieure du ligament acromioclaviculaire.

    L’essai finlandais FIMPACT visait à lever le dernier doute : la DAS procure-t-elle un avantage clinique durable, à 10 ans, par rapport à une arthroscopie diagnostic simple sans geste associée (placebo) ou à la rééducation en décoaptation de l’épaule seule ? Au total, 210 patients de 35 à 65 ans, souffrant de symptômes depuis plus de 3 mois, sans bec acromial ni lésion de coiffe, ont été randomisés en trois groupes : DAS, arthroscopie diagnostique (placebo) ou programme d’exercices. Les deux critères principaux étaient la douleur au repos et à l’activité (EVA 0–100), avec une différence minimale cliniquement pertinente fixée à 15 points.

    Publiée dans The BMJ, l’analyse en intention de traiter ne montre aucune différence significative entre DAS et placebo à 10 ans : la différence moyenne (DAS vs placebo) est de –1,5 point (IC à 95 % –8,6 à 5,6) pour la douleur au repos et –3,2 points (–13,0 à 6,5) pour la douleur à l’élévation du bras, bien en deçà du seuil d’importance clinique. Dans la comparaison pragmatique DAS versus rééducation, les écarts restent modestes (–4,0 points au repos ; –9,4 points à l’activité, IC à 95 % –19,0 à 0,3) et ne franchissent pas non plus le seuil de pertinence. En pratique, la décompression arthroscopique sous-acromiale ne fait pas mieux que le placebo ni que la rééducation.

    Amélioration dans tous les groupes, sans gain fonctionnel ni signal de sécurité

    Au-delà de la douleur, aucun critère secondaire ne différencie les groupes à 10 ans : fonction de l’épaule, qualité de vie, retour aux activités et satisfaction sont comparables entre décompression arthroscopique sous-acromiale, arthroscopie placebo et rééducation de l’épaule. Tous les patients, quel que soit le bras, ont une amélioration marquée et durable au cours du suivi, suggérant le rôle majeur de l’évolution naturelle, de l’éducation, de l’activité physique et des autres mesures conservatrices.

    En termes de tolérance, aucun sur-risque n’est observé avec la DAS par rapport à l’arthroscopie placebo ou à la rééducation. Le profil d’événements indésirables est similaire entre les groupes, sans signal particulier de complications tardives liées au geste de décompression. Fait important, aucune analyse de sous-groupes, ni dans FIMPACT ni dans les autres essais randomisés, n’a permis d’identifier un profil de patients tirant un bénéfice spécifique de la décompression arthroscopique sous-acromiale. L’argument d’une bonne indication à long terme reste donc non étayé scientifiquement.

    Un essai contrôlé par chirurgie placebo aux forts enjeux de pratique

    FIMPACT est un essai multicentrique, randomisé, conduit dans trois hôpitaux publics finlandais. Les patients avant une épaule douloureuse simple compatible avec un syndrome sous-acromial depuis plus de 3 mois ont été randomisés 1:1:1. Dans les deux bras chirurgicaux, les patients étaient endormis et opérés sous arthroscopie ; seuls les patients du bras DAS recevaient la décompression, les autres une arthroscopie diagnostique simulant le geste. Patients et évaluateurs étaient en insu pour la comparaison DAS versus arthroscopie placebo. Le bras rééducation seule servait de comparateur pragmatique non chirurgical. Le suivi à 10 ans, avec un taux de rétention de 87 %, limite les biais d’attrition et confère une grande robustesse aux résultats.

    La généralisabilité est bonne pour les patients de 35 à 65 ans présentant un syndrome douloureux sous-acromial chronique sans autre pathologie majeure de l’épaule. Combinées aux autres essais randomisés et aux méta-analyses, ces données confortent les recommandations internationales qui déconseillent l’ASD en routine. Selon les auteurs, dans le cas d’une épaule douloureuse simple sans bec acromial et sans lésion de coiffe, ces résultats plaident pour : privilégier la prise en charge conservatrice (éducation, analgésiques, rééducation ciblée) ; réserver la chirurgie à d’autres étiologies (bec acromial stade 3, rupture transfixiante de coiffe, instabilité, arthropathies structurales) ; et ne proposer l’ASD, le cas échéant, que dans le cadre d’essais contrôlés. Cette étude ne remet pas en cause l’intérêt de l’acromioplastie dans ses indication (bec acromial classe 3, lésions de coiffe…).

    Les perspectives de recherche concernent désormais l’optimisation des programmes d’exercices, l’identification de facteurs pronostiques de chronicisation douloureuse et les stratégies de dé-implémentation d’actes chirurgicaux devenus inutiles à la lumière des preuves.

     

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