Cardiologie
Hypertension artérielle : pas d’effet de l’heure de prise du traitement sur le risque cardiovasculaire
Chez l’hypertendu en ville, décaler la prise de tous les antihypertenseurs vers le coucher n’apporte pas de réduction supplémentaire du risque d’événements cardiovasculaires majeurs. Sauf cas particulier (non-dippers ?), la décision du moment d’administration devrait être individualisée selon les préférences et la tolérance du patient en vue d’une meilleure observance.

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La pression artérielle (PA) normale suit un rythme circadien, avec un abaissement protecteur pendant le sommeil. L’élévation de la PA au cours du sommeil expose à un surcroît de risque cardiovasculaire, indépendamment des valeurs diurnes. Les antihypertenseurs pris le soir pourraient cibler plus efficacement la PA nocturne et réduire les événements cardiovasculaires, comme le suggéraient les essais MAPEC (–61 % d’événements majeurs, n = 2 156) et Hygia (–45 %, n = 19 084), mais la large étude TIME (n = 21 104) n’a montré aucun bénéfice, attribué à une faible adhérence et à une population à faible risque.
L’essai BedMed, publié dans le JAMA, a recruté 3 357 adultes hypertendus ambulatoires (âge médian 67 ans, 56 % de femmes, 54 % en monothérapie) entre 2017 et 2022, randomisés en ouvert (1:1) pour prendre tous leurs antihypertenseurs quotidiens, soit au coucher (n = 1 677), soit le matin (n = 1 680), sur 4,6 ans de suivi médian. Le critère primaire composite (décès toutes causes ou hospitalisation/urgence pour AVC, syndrome coronarien aigu, insuffisance cardiaque) est de 2,3 vs 2,4 événements pour 100 patient-années (HR ajusté 0,96 ; IC à 95 % 0,77–1,19 ; p = 0,70), sans différence significative.
Privilégier un horaire de prise qui favorise l’observance
Aucun des composants du critère primaire composite n’a divergé entre groupes. Les hospitalisations non planifiées, les urgences toutes causes, et les effets indésirables liés à l’hypotension (chutes, fractures) ou à l’ischémie (glaucome incident) sont comparables également (NS). Les déclins cognitifs à 18 mois ne diffèrent pas non plus.
L’adhérence à l’horaire alloué, auto-rapportée, est légèrement inférieure dans le groupe prise au coucher, notamment chez les patients sous diurétiques, mais une analyse per-protocole excluant ces sous-groupes confirme l’absence de bénéfice. Le taux global d’arrêt pour effet indésirable lié à l’hypotension ou à un événement visuel est < 2 % dans chaque bras.
Pas d’intérêt de la chronothérapie pour tous les hypertendus
BedMed est un essai pragmatique, multicentrique, en ouvert mais avec évaluation des événements en aveugle, mené chez des patients hypertendus en soins primaires, sans restriction de nombre ou de classes d’antihypertenseurs (incluant les bêta-bloquants et diurétiques biquotidiens), ce qui renforce sa généralisabilité. Le recrutement via 436 médecins de cinq provinces canadiennes et le faible taux de perte de suivi (3 %) attestent de sa représentativité. En revanche, la sous-cohorte d’ABPM (n = 302) pourrait souffrir de biais de sélection, limitant l’interprétation des effets nocturnes sur la PA.
Selon les auteurs, ces données ne confirme pas l’idée d’un « timing » de prise universellement avantageux : la prescription matin vs soir n’influence ni la réduction du risque cardiovasculaire ni la survenue d’effets indésirables, et devrait donc respecter les habitudes, la tolérance et le mode de vie des patients. Les prochaines recherches devront explorer si certaines classes (IEC, ARA II, diurétiques, bêta-bloquants) ou phénotypes (non-dippers, apnéiques, polypathologiques) tirent un bénéfice temporel spécifique, ainsi que la potentialité d’un « chronothérapie » personnalisée intégrant la génétique circadienne et la mesure continue de la PA.