Onco-Digestif
Adénocarcinome du pancréas résécable : résultats encourageants de l’étude française PANACHE01
Étudiées depuis plusieurs années sans résultat concluant à ce jour, les stratégies de chimiothérapies néoadjuvantes dans le cadre de l’adénocarcinome du pancréas résécable sont toujours à l’étude. De premiers résultats issus de l’essai français PANACHE01 viennent d’être publiés et rapportent pour la première fois des données d’efficacité, de sécurité et de faisabilité d’un traitement de chimiothérapie néoadjuvante par mFOLFIRINOX.
- Rasi Bhadramani/iStock
L’adénocarcinome du pancréas (AP) est un cancer agressif avec un taux de survie globale (SG) à 5 ans de 11 %, tous stades confondus. Au diagnostic, seuls 10 à 20 % des patients présentent un AP résécable d’emblée (APR) chirurgicalement. Toutefois, même en cas de chirurgie curative, optimale (résection R0, curage qui emporte au moins 15 ganglions), le risque de récidive d’un APR reste très élevé, allant de 90 % en l’absence de chimiothérapie adjuvante à 70 % en cas de traitement adjuvant par mFOLFIRINOX.
En effet, en plus d’une maladie micro métastatique souvent présente, près de la moitié des patients ne pourront pas recevoir une chimiothérapie adjuvante en raison de complications post-opératoires (altération de l’état général, complications septiques). Ainsi, proposer un traitement de chimiothérapie néoadjuvante (CNA) pour l’APR pourrait permettre d’optimiser la séquence thérapeutique pour les patients et augmenter leur survie, comme le suggèrent des études rétrospectives.
Dans le cadre de l’APR, à l’instar des adénocarcinomes œsogastriques ou du rectum, les stratégies néoadjuvantes sont à l’essai depuis plusieurs années. Le rationnel d’une telle stratégie est principalement de contrôler la maladie micro métastatique, d’identifier les patients qui ne seraient pas de bons candidats à la chirurgie (progression sous chimiothérapie néoadjuvante), d’optimiser une chirurgie en induisant une réponse tumorale et le taux de résection R0.
L’étude Française PANACHE01 avait pour but d’évaluer des stratégies de CNA en comparaison de la chirurgie première (standard) chez des patients atteints d’un APR.
L’étude PANACHE-01
PANACHE-01 était un essai Français ouvert, randomisé (2:2:1), multicentrique de phase II, qui évaluait la faisabilité, la sécurité et l'efficacité d’une CNA selon les protocoles mFOLFIRINOX (5-fluorouracile, irinotécan, oxaliplatine ; 4 cycles) et FOLFOX (5-fluorouracile, oxaliplatine ; 4 cycles) chez des patients diagnostiqués d’un APR, en comparaison de la chirurgie première. Les patients issus des bras CNA recevaient 4 mois de chimiothérapie adjuvante afin de totaliser 6 mois de traitement de chimiothérapie.
Les patients éligibles devaient être âgés de moins de 85 ans, ECOG PS 0-1, avoir un APR prouvé histologiquement et la résécabilité devait être conforme aux critères définis par le NCCN. L’objectif principal était double : évaluation de la survie globale (SG) à 12 mois post-randomisation et évaluation de la faisabilité définie pour les 2 bras de CNA par l’administration d’au moins 2 cycles néoadjuvants et comme l’administration d’au moins 4 cycles adjuvants dans le groupe contrôle.
Les objectifs secondaires étaient la SG et la survie sans événement (EFS ; les événements étaient la progression avant chirurgie, un AP non résécable ou métastatique lors de l’exploration chirurgicale, la récidive post-opératoire ou le décès).
Résultats
Au sein de la cohorte, 153 patients ont été randomisés et la population en intention de traiter (ITT) rassemblait 150 patients (mFOLFIRINOX (n=72), FOLFOX (n=50), chirurgie première (n=28)). L’âge médian des patients était de 68,1 ans et 57,3 % étaient des hommes. L’AP était majoritairement de localisation céphalique (82 %) et de taille médiane de 26 mm.
À 12 mois, 84,3 % (IC90 % 75,3-90,9), 71,4 % (IC90 % 59,0-81,8) et 82,1 % (IC90% 66,1-92,7) des patients étaient vivants dans les groupes mFOLFIRINOX, FOLFOX et chirurgie première respectivement. En ITT, la séquence thérapeutique a été atteinte chez 70,8 % (IC90 % 60,8-79,6), 68,0 % (IC90 % 55,5-78,8) et 50 % (IC90 % 33,3-66,7) des patients issus des groupes mFOLFIRINOX, FOLFOX et chirurgie première, respectivement. L’objectif principal de l’étude a été atteint dans le bras mFOLFIRINOX.
Les traitements de chimiothérapies néoadjuvantes ont été bien tolérés avec un profil de toxicité connu (toxicités de grade 3-4 : 47 % dans le bras mFOLFIRINOX et 37,8 % dans le bras FOLFOX, pas de décès toxique). On notera que le bras FOLFOX a été arrêté lors de l’analyse intermédiaire pour futilité.
Les médianes de SG étaient, respectivement, de 31,3 mois (IC95 % 21,5-non atteinte), 31,8 mois (IC95 % 23,8-non atteinte) et non atteinte (IC95 % 18,5-non atteinte) dans les groupes mFOLFIRINOX, FOLFOX et le groupe contrôle.
Les taux d’EFS à 12 mois étaient respectivement de 51,4 % (IC95 % 41,0-64,3), 43,1 % (IC95 % 31,3-59,5) et 38,7 % (IC95 % 24,1-62,0).
Discussion et conclusions
Améliorer la survie des patients atteints d’un AP est un véritable enjeu de santé publique en raison de son incidence qui ne cesse d’augmenter dans les pays occidentaux. Toutefois, de nombreuses stratégies ont d’ores et déjà été évaluées, dans toutes les situations (AP résécable, borderline, métastatique) et peu de travaux ont permis de démontrer un gain significatif en survie.
Concernant les stratégies de chimiothérapies néoadjuvantes dans le cadre de l’APR, plusieurs données existent dans la littérature scientifique mais sont toutefois critiquables (méta analyses anciennes antérieures à l’ère du mFOLFIRINOX ou autres phases II randomisées avec faiblesses méthodologiques notables, telles que les essais NORPACT-1 ou NEONAX) et ne permettent pas de conclure quant aux bénéfices éventuels d’une CNA.
L’essai PANACHE01 est le 1er essai randomisé prospectif de phase II qui permet de démontrer la faisabilité et la pertinence à proposer une stratégie de CNA par mFOLFIRNOX chez des patients avec APR, avec des taux de survie et d’EFS intéressants.
Bien que la chimiothérapie néoadjuvante par mFOLFIRINOX ne puisse pas être considérée comme un standard thérapeutique, les résultats de l’essai PANACHE01 soulignent la nécessité de poursuivre des essais de recherche clinique en ce sens. Plusieurs essais de phase III en cours de recrutement évaluent la stratégie de CNA dans l’APR et nous permettront d’obtenir des réponses dans quelques années (PANACHE02, PREOPANC-3, ALLIANCE A021806). L’inclusion des patients dans de telles études est à encourager.











