Onco-Digestif
Cancer colorectal métastatique dMMR/MSI : l'immunothérapie est le standard en 1ère ligne
Les cancers colorectaux métastatiques (CCRm) avec instabilité microsatellitaire (dMMR/MSI) sont très sensibles à l’immunothérapie et le traitement de référence en 1ère ligne est actuellement le pembrolizumab monothérapie (1). L’essai CheckMate 8HW, récemment publié dans le NEJM, a comparé la combinaison nivolumab plus ipilimumab versus chimiothérapie dans les CCRm dMMR/MSI (2).
- Md Saiful Islam Khan/iStock
Les cancers colorectaux métastatiques (CCRm) avec instabilité microsatellitaire (dMMR/MSI) représentent 5 % des CCRm. Plusieurs essais ont montré l’efficacité majeure des inhibiteurs de point de contrôle immunitaires dans ces tumeurs, notamment l’essai de phase III KEYNOTE-177 qui a démontré la supériorité du pembrolizumab (anti-PD1) à la chimiothérapie en 1ère ligne chez les patients avec un CCRm dMMR/MSI naïf de traitement et est remboursé en France (1).
L’étude de phase III CheckMate 8HW a comparé le nivolumab (anti-PD1) versus nivolumab plus ipilimumab (anti-CTLA4) versus traitement standard (chimiothérapie plus thérapie ciblée) dans le CCRm dMMR ou MSI. Dans cette publication il est rapporté uniquement la comparaison nivolumab plus ipilimumab versus chimiothérapie en 1ère ligne dans le CCRm dMMR/MSI (2).
Les patients inclus devaient avoir un CCR dMMR ou MSI non résécable ou métastatique et un statut OMS 0 ou 1. Les patients naïfs de traitement étaient randomisés en 2:2:1 entre nivolumab (nivolumab 240 mg toutes les 2 semaines pendant 12 semaines puis nivolumab 480 mg toutes les 4 semaines) versus nivolumab plus ipilimumab (nivolumab 240 mg et ipilimumab 1 mg/kg toutes les 3 semaines pendant 12 semaines puis nivolumab seul à 480 mg toutes les 4 semaines) versus une chimiothérapie de 1ère ligne +/- thérapie ciblée (FOLFOX ou FOLFIRI +/- cétuximab ou bévacizumab), au choix de l’investigateur. La durée maximale de l’immunothérapie était de 2 ans. Un cross-over vers le nivolumab plus ipilimumab était autorisé dans le bras chimiothérapie.
Les deux co-critères de jugement principaux, évalués dans la population avec un statut dMMR ou MSI confirmé en analysée centralisée, étaient la survie sans progression (SSP) selon RECIST 1.1 du nivolumab plus ipilimumab versus chimiothérapie en 1ère ligne de traitement et du nivolumab plus ipilimumab versus nivolumab seul toutes lignes de traitement. Il est ici rapporté uniquement l’analyse pré-planifiée de la comparaison nivolumab plus ipilimumab versus chimiothérapie en 1ère ligne de traitement.
Une survie sans progression jamais atteinte de plus 70% à 2 ans !
Parmi les 303 patients randomisés seulement 255 avaient un CCRm dMMR ou MSI confirmé en analyse centralisée (84 %, 171 dans le groupe nivolumab plus ipilimumab versus 84 dans le groupe chimiothérapie). L’âge moyen était de 63 ans, 46 % était des hommes, 15 % avaient un syndrome de Lynch prouvé et 25 % des tumeurs étaient BRAF mutées. Après un suivi médian de 31,5 mois, la SSP était significativement meilleure dans le bras nivolumab plus ipilimumab (non atteinte versus 5,9 mois, HR = 0,21 (0,14-0,32 ; p < 0,001)) avec 72 % de patients vivants et non progressifs à 24 mois versus 14 % dans le bras chimiothérapie. La supériorité du nivolumab plus ipilimumab était consistante dans tous les sous-groupes analysés.
Au total, 23 % des patients du bras nivolumab plus ipilimumab (essentiellement des colites et des dysfonctions endocriniennes) versus 48% des patients traités par chimiothérapie ont eu des effets indésirables de grade 3 ou plus.
Perspectives
L’étude 8HW est la 1ère étude de phase III randomisée démontrant la supériorité d’une double immunothérapie anti-PD1 plus anti-CTLA4 sur la chimiothérapie standard dans les CCRm dMMR/MSI en termes de SSP mais ce résultat était bien évidemment attendu. Ce gain est observé dans l’ensemble des sous-groupes dont les tumeurs RAS mutés et les patients avec une carcinose péritonéale. La tolérance de la combinaison nivolumab plus ipilimumab est acceptable et meilleure que dans d’autres études avec cette même combinaison.
La SG n’est pas rapportée ici, mais risque d’être perturbée par le cross-over. La comparaison nivolumab plus ipilimumab versus nivolumab est très attendue mais non rapportée à ce jour.
Une comparaison indirecte nivolumab plus ipilimumab versus pembrolizumab semble en faveur de la double immunothérapie avec moins de résistances primaires (15 % versus 29 %) et moins de patients progressifs à 2 ans (28 % versus 48 %). Néanmoins, cette comparaison n’est pas valable méthodologiquement entre 2 essais thérapeutiques différents d’autant plus que dans l’essai Keynote 177 il n’y avait pas d’analyse centralisé du statut dMMR/MSI expliquant probablement en partie le taux plus élevé de résistance primaire avec le pembrolizumab. Les recommandations sont donc de confirmer à la fois l’instabilité microsatellitaire en biologie moléculaire et la perte d’expression d’une ou plusieurs protéines MMR en immunohistochimie avant tout traitement par immunothérapie.
De plus il n’y a pas de facteur évident de résistance au pembrolizumab et il n’y a pas de donnée démontrant que les patients résistants à la mono-immunothérapie seraient sensibles à la double immunothérapie.
Au final, la publication des premiers résultats de l’étude 8HW sont prometteurs mais ne permettent pas de conclusion sur l’intérêt de la double versus la simple immunothérapie en l’absence des données du bras nivolumab seul. Par conséquent le standard en pratique clinique courante reste le pembrolizumab monothérapie en 1ère ligne et la chimiothérapie conventionnelle en 2ème ligne et plus.











