Onco-Digestif
Cancer canal anal non métastatique : la cohorte FFCD-ANABASE fait ses preuves
Bien que rare, le cancer du canal anal a une incidence en augmentation. Son traitement repose sur la chimio-radiothérapie. Cette cohorte menée par la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive (FFCD) avait pour objectifs d’évaluer les pratiques françaises, les résultats obtenus et d'identifier des facteurs pronostiques.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen/iStock
La cohorte FFCD-ANABASE est multicentrique, prospective, incluant des patients traités par (chimio)radiothérapie pour un carcinome épidermoïde du canal anal non métastatique en France (1). Entre janvier 2015 et avril 2020, 1 096 patients ont été inclus dans 60 centres. Les patients inclus avaient un âge médian de 65 ans et comprenaient 76 % de femmes, 17,6 % étaient séropositifs pour le VIH, 43 % de patients avaient une tumeur de stade précoce (T1-2N0) et 57 % de stade avancé (T3-4 et/ou N1-3). Le bilan initial comprenait une TEP FDG pour 73 % des patients et une IRM pour 71 % des patients.
Un traitement majoritairement conforme aux recommandations
La radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité (RCMI), technique recommandée par l'HAS, était utilisée chez 80 % des patients (2). La dose médiane à la tumeur était de 60 Gy et était significativement différente selon le stade précoce ou avancé (29 % de patients recevant moins de 50 Gy parmi les stades précoces contre 16 % parmi les stades avancés). Une interruption de la radiothérapie était observée chez 32 % des patients dont la moitié était planifiée alors que l’allongement du temps de traitement est associé dans la littérature à une réduction de la survie globale (3) et du contrôle locorégional (4), et doit être réservée aux patients recevant un boost par curiethérapie.
Le taux d’interruption pour toxicité était significativement supérieur chez les patients traités en RC3D comparativement à ceux traités en RCMI. Une chimiothérapie concomitante était associée à la radiothérapie chez 77 % des patients (88 % par mitomycine C associée à une fluoropyrimidine). Une chimiothérapie d’induction était également réalisée chez 5,7 % des patients alors que celle-ci n'a pas fait la preuve de son efficacité et pourrait être délétère en prolongeant le temps total de traitement (5).
Des résultats rassurants en terme de survie
Le taux de réponse complète était significativement plus élevé chez les patients avec un stade précoce (82,4 % contre 68,1 %). Le suivi médian était de 35,5 mois Les données de survie à 3 ans selon le stade sont rapportées dans le tableau ci-dessous.
|
Taux à 3 ans |
Survie globale |
Survie sans récidive |
Survie sans colostomie |
|
Stade précoce |
91,7 % |
84,3 % |
85,6 % |
|
Stade avancé |
78,2 % |
64,4 % |
66,9 % |
|
p |
< 0.0001 |
< 0.001 |
< 0.0001 |
Les facteurs pronostiques significativement associés à une diminution de la survie globale, de la survie sans récidive et sans colostomie en analyse multivariée étaient : le sexe masculin, le performance status ≥ 1 et le stade localement avancé. On observait une tendance à l’amélioration de la survie sans colostomie chez les patients avec un stade avancé traités par RCMI ou avec un boost en curiethérapie (p=0,066 et 0,054 respectivement). Ils sont similaires à ceux décrits dans la littérature.
Conclusion
Il s’agit de l’une des plus grandes cohortes publiées de patients traités pour un carcinome épidermoïde du canal anal, avec un suivi médian d’environ 3 ans et plus de 1 000 patients inclus en moins de 5 ans. Cette étude confirme le caractère pronostique péjoratif des tumeurs de stade avancé (T3-4 et/ou N+) comparativement à celles de stade précoce pour lesquelles on observe d’excellents résultats carcinologiques, tout comme le décrivait récemment une étude de cohorte allemande (6). Ces résultats encouragent le développement d’un traitement personnalisé, particulièrement selon le stade, précoce ou avancé, mais qui pourrait également être adapté aux autres facteurs pronostiques connus (sexe masculin, ou statut VIH par exemple, qui était associé à un pronostic péjoratif parmi les patients avec un stade précoce dans la cohorte DKTK-ROG (6)). La personnalisation de la dose de radiothérapie selon le stade est actuellement en cours d’évaluation dans le programme de recherche anglais PLATO (ACT 3, 4 et 5) (7).
Références
- (1) Vendrely V, Lemanski C, Pommier P, Le Malicot K, Saint A, Rivin Del Campo E, et al. Treatment, outcome, and prognostic factors in non-metastatic anal cancer: The French nationwide cohort study FFCD-ANABASE. Radiother Oncol 2023;183:109542.
- (2) Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité dans le cancer du canal anal. Haute Autorité de Santé; 2015 juill.
- (3) Hannoun-Levi JM, Ortholan C, Resbeut M, Teissier E, Ronchin P, Cowen D, et al. High-dose split-course radiation therapy for anal cancer: outcome analysis regarding the boost strategy (CORS-03 study). Int J Radiat Oncol Biol Phys. 1 juill 2011;80(3):712‑20.
- (4) Weber DC, Kurtz JM, Allal AS. The impact of gap duration on local control in anal canal carcinoma treated by split-course radiotherapy and concomitant chemotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys. 1 juill 2001;50(3):675‑80.
- (5) Gunderson LL, Winter KA, Ajani JA, Pedersen JE, Moughan J, Benson AB, et al. Long-term update of US GI intergroup RTOG 98-11 phase III trial for anal carcinoma: survival, relapse, and colostomy failure with concurrent chemoradiation involving fluorouracil/mitomycin versus fluorouracil/cisplatin. J Clin Oncol. 10 déc 2012;30(35):4344‑51.
- (6) Martin D, Schreckenbach T, Ziegler P, Filmann N, Kalinauskaite G, Tinhofer I, et al. Evaluation of prognostic factors after primary chemoradiotherapy of anal cancer: A multicenter study of the German Cancer Consortium-Radiation Oncology Group (DKTK-ROG). Radiother Oncol. févr 2022;167:233‑8.
- (7) Sebag-Montefiore D, Adams R, Bell S, Berkman L, Gilbert DC, Glynne-Jones R, et al. The Development of an Umbrella Trial (PLATO) to Address Radiation Therapy Dose Questions in the Locoregional Management of Squamous Cell Carcinoma of the Anus. International Journal of Radiation Oncology, Biology, Physics. 1 oct 2016;96(2):E164‑5.











