Neurologie

Sclérose en plaque : le rôle du virus Epstein-Barr se précise

Une infection avec le virus Epstein-Barr aurait une relation temporelle avec l’émergence ultérieure d’une sclérose en plaque dans une très large étude longitudinale. Un nouvel élément en faveur de l’implication probable de ce virus dans la pathogénie de la maladie.

  • sudok1/istock
  • 15 Jan 2022
  • A A

    Depuis de nombreuses années, le rôle d’un virus, et en particulier du virus Epstein-Barr (EBV) est suspecté dans l’apparition de la sclérose en plaque (SEP), une maladie auto-immune démyélinisante dont l’épidémiologie fait apparaître un gradient nord-sud et des clusters familiaux. Le problème est que la presque quasi-totalité de la population française est infectée par le virus d’Epstein-Barre, parfois près de 10 ans avant l’émergence de la maladie et que, heureusement, tout le monde ne fait pas une SEP.

    Une très large étude de suivi de cohorte sur plus de 20 ans et plus de 10 millions de jeunes adultes engagés dans l'armée américaine, dont 955 ont été diagnostiqués atteints de sclérose en plaques durant leur service, montre que le risque de sclérose en plaques est multiplié par 32 après avoir été infecté par le virus d'Epstein-Barr, mais est inchangé après l'infection par d'autres virus, y compris le cytomégalovirus qui est pourtant transmis selon les mêmes modalités. Rien de réellement surprenant donc si ce n'est l'intense médiatisation de cette étude.

    Des arguments temporels et sérologiques

    Les taux sériques des neurofilaments à chaîne légère, un biomarqueur de la dégénérescence neuroaxonale, n'ont augmenté qu'après la séroconversion au virus EBV. Ces résultats ne pourraient être expliqués par aucun facteur de risque connu de la SEP et suggèrent que le virus Epstein-Barr est la principale cause de la SEP.

    Selon cette étude, publiée dans la revue Science, une infection avec le virus Epstein-Barr serait donc nécessaire au développement de la sclérose en plaques, même si toutes les personnes infectées ne développent pas cette maladie pour autant. Selon les auteurs, les résultats plaideraient en faveur d'un véritable lien de causalité en raison de la constatation d'une dérégulation systématique des mécanismes de latence de l'EBV.

    Selon des chercheurs de l’université de Stanford, ayant publié un commentaire de l’étude dans la même revue Science, d’autres facteurs, par exemple génétiques, pourraient jouer un rôle dans le fait de développer ou non la maladie.

    Une large étude de plus

    Cette étude n’est en rien la révolution que l’on nous annonce partout dans la presse, elle n’explique pas les différentes formes de sclérose en plaque et une étude suédoise récente sur près de 2 500 000 suédois avait essayé d’aller plus loin en mettant en évidence une corrélation entre l’âge d’infection et l’apparition de la maladie. Dans cette étude, les enfants qui contractent la mononucléose entre 11 et 19 ans auraient un risque significativement plus élevé de développer la SEP à l'âge adulte.

    Plus précisément, ce risque est le plus élevé chez les enfants infectés à EBV entre 11 et 15 ans, ce qui constitue la fenêtre typique de la puberté. Ceux qui la contractent avant l'âge de 11 ans auraient un risque plus faible de SEP. Les chercheurs ont également découvert que le risque de développer la SEP continue de diminuer à mesure que vieillit une personne qui contracte une mononucléose, celui-ci disparaissant pratiquement à l'âge de 25 ans.

    Un virus quasi ubiquitaire et souvent associé à l’auto-immunité

    Le virus Epstein-Barr fait partie des virus les plus répandus dans l'espèce humaine, infectant en moyenne 85 à 90% des adolescents, voire 95% des adultes de plus de 35 ans. Ce virus, très contagieux se transmet, comme le cytomégalovirus, par la salive et est responsable de la mononucléose infectieuse, la « maladie du baiser ».

    Après l’infection aiguë, le virus Epstein-Barr peut infecter de façon latente et chronique les lymphocytes B grâce à certaines protéines codées dans son génome. Par ailleurs, la dérégulation de cette latence a pu être mise en évidence dans de nombreuses pathologies cancéreuses, mais aussi auto-immunes, avec lesquelles le virus est associé (lymphome, Gougerot-Sjögren, polyarthrite…).

    En pratique

    Cette étude est l'illustration parfaite de l'intérêt de l'exploitation de bases de données géantes afin de de déterminer les causes et les facteurs de risque des maladies. Ce type d’étude est amené à se développer dans l’avenir et elles sont indéniablement intéressantes pour établir des associations entre des phénomènes fréquents et des maladies plus rares, qui peuvent parfois se développer plusieurs années après. Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler de causalité, même si les auteurs semblent avoir établi une relation temporelle.

    Les auteurs sont enthousiastes et suggèrent que « la plupart des cas de sclérose en plaques pourraient être empêchés en stoppant l’infection au virus d’Epstein-Barr ». C’est sans doute aller un peu vite en besogne au vu des nombreux facteurs, génétiques et microbiote entre-autres, qui sont impliqués dans le déclenchement et la pérennisation de la maladie.

    Le fait que l’on nous parle d’un vaccin contre le virus Epstein-Barr dans la conclusion de tous les articles n’est sans doute pas étranger au battage médiatique qui a accompagné la sortie de cette étude. Quoi qu’il en soit, ce travail ce travail renforce l’idée que le virus Epstein-Barr est nécessaire au déclenchement de la sclérose en plaque et oriente de futures recherches.

    Pour pouvoir accéder à cette page, vous devez vous connecter.
    

    JDF