Santé publique

Perturbateurs endocriniens et fertilité : un des mécanismes identifié

L’exposition à de faibles doses de bisphénol A juste après la naissance perturberait l’intégration des neurones de l'hypophyse qui régulent la reproduction.

  • Dr_Microbe/iStock
  • 18 Nov 2021
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    Chez l’humain, comme chez les autres mammifères, la reproduction est régulée par les neurones à GnRH, une population de neurones qui, au cours du développement embryonnaire, apparaît au niveau du nez puis migre vers le cerveau jusqu’à l’hypothalamus. Ce sont eux qui contrôlent tous les processus associés aux fonctions reproductrices : la puberté, l’acquisition des caractères sexuels secondaires et la fertilité à l’âge adulte.

    Mais, une exposition précoce aux perturbateurs endocriniens enrayerait ce processus et entraînerait une dérégulation des fonctions reproductrices. Dans une étude publiée ce jeudi 18 novembre dans la revue Nature Neuroscience, des chercheurs de l’Inserm ont identifié l’un des mécanismes en cause dans cette altération.

    Le bisphénol A empêche la rencontre des neurones à GnRH avec les astrocytes

    Pour comprendre comment les perturbateurs endocriniens altèrent les fonctions reproductrices, il faut d’abord comprendre comment celles-ci fonctionnent. Pour assurer leurs fonctions, les neurones à GnRH s’entourent d’un autre type de cellules neurales, les astrocytes, qui permet aux neurones à GnRH de s’intégrer au réseau neuronal. Cette rencontre intervient au cours de la “mini-puberté”, une période qui débute une semaine après la naissance chez les mammifères. C’est à ce moment qu’ont lieu les premières sécrétions des hormones sexuelles.

    Un échec de l’intégration des neurones à GnRH lors de la mini-puberté peut entraîner une prédisposition à développer des troubles de la puberté et/ou de la fertilité, mais aussi affecter potentiellement le développement du cerveau et ainsi entraîner des troubles de l’apprentissage ou encore des désordres métaboliques tels qu’un surpoids”, précise Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm et dernier auteur de l’étude.

    Dans la présente étude, les chercheurs sont parvenus à préciser comment se déroule cette rencontre entre neurones à GnRH et astrocytes. Ils ont découvert que les astrocytes répondent à des signaux moléculaires émis par les neurones à GnRH qui les recrutent dès leur apparition dans l’hypothalamus. C’est précisément ce processus que l’exposition au bisphénol A, un perturbateur endocrinien reconnu, vient dérégler. 

    Un impact durable sur les fonctions reproductrices

    Pour arriver à leurs conclusions les auteurs de l’étude ont mené des expériences sur des rats. Pendant les 10 jours suivant la naissance, des rats femelles ont reçu des injections de bisphénol A à faibles doses. Grâce à une technique de marquage des astrocytes, les chercheurs ont pu observer que sous l’effet du bisphénol A, les astrocytes ne parviennent pas à s’arrimer de manière permanente aux neurones à GnRH. Cela entraîne alors un retard pubertaire ainsi qu’une absence de cycle œstral chez les rates adultes – l’équivalent du cycle menstruel chez la femme - ce qui suggère que les fonctions reproductives sont affectées.

    Nos résultats soulèvent l’idée que l'exposition précoce à des produits chimiques en contact avec les aliments, tels que le bisphénol A, peut perturber l'apparition de la puberté et avoir un impact durable sur les fonctions reproductrices, en empêchant les neurones à GnRH de construire, dans l’hypothalamus, un environnement approprié et nécessaire à leur rôle de chef d’orchestre de la fertilité”, décrypte Ariane Sharif, qui a codirigé l’étude.

    Le bisphénol A, un perturbateur endocrinien reconnu

    Le bisphénol A est un composé utilisé dans la fabrication industrielle des plastiques dont le caractère perturbateur endocrinien est aujourd’hui largement reconnu. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons, mais on le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes et des boîtes de conserve ou encore sur les tickets de caisse. En France, le bisphénol A est interdit dans les biberons et autres contenants alimentaires depuis 2015. Il a été remplacé par des substituts comme le bisphénol S ou BPS ou le bisphénol B ou BPB qui suscitent eux aussi des interrogations quant à leur innocuité.

    Malgré son interdiction, le bisphénol A est toujours présent dans notre environnement du fait de la dégradation lente des déchets plastiques, mais également car il se trouve dans des contenants alimentaires achetés avant 2015 et qui ont été conservés, regrette Vincent Prévot. Avec le recyclage des déchets, le bisphénol A contenu dans des plastiques datant d’avant 2015 a également pu se retrouver dans des produits neufs.

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    JDF