Neurologie

Alzheimer : controverse sur l'intérêt de cibler les plaques bêta-amyloïdes

Jusqu’ici considérées comme la première cause de la neurodégénérescence dans la maladie d’Alzheimer, les plaques bêta-amyloïdes pourraient être un mécanisme de défense des cellules immunitaires.

  • selvanegra/iStock
  • 19 Avr 2021
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    Les plaques bêta-amyloïdes seraient-elles formées par les cellules immunitaires présentes dans notre cerveau pour protéger les neurones de la mort cellulaire ?

    C’est la théorie que développe une nouvelle étude sur la maladie d’Alzheimer, menée par des chercheurs du Salk Institute for Biological Studies, situé à San Diego (Californie).

    Une nouvelle théorie sur les plaques amyloïdes

    Jusqu’ici, les scientifiques imputaient l’altération des fonctions mentales dans la maladie d’Alzheimer à ces plaques amyloïdes : en s’accumulant de manière anormale au niveau des neurones, elles entraînaient de manière progressive et irrémédiable des lésions cérébrales. C’est pour cette raison que la recherche actuelle se concentre notamment sur les moyens de réduire l’accumulation de ces plaques.

    Dans leur étude publiée dans Nature Immunology, les chercheurs du Salk Institute bouleversent ces certitudes. Selon eux, les cellules microgliales, les cellules immunitaires du cerveau chargées de consommer les débris tels que la plaque bêta-amyloïde qui s'accumulent dans le cerveau des patients, favoriseraient la formation de plaques à noyau dense. Cette action éloignerait les plaques éparses des neurones, et protégeraient de la mort cellulaire.

    "Nous montrons que les plaques à noyau dense ne se forment pas spontanément, explique le Pr Greg Lemke, neurobiologiste moléculaire au Salk Institute. Nous pensons qu'elles sont construites par la microglie en tant que mécanisme de défense, et qu'il est donc préférable de les laisser tranquilles." Le chercheur estime d’ailleurs que les traitements chargés de réduire cette plaque à noyau denses peuvent "causer plus de dommages".

    Un signal "mangez-moi" produit par les cellules mortes

    Dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, les deux formes de plaques les plus répandues qui se forment sont dites "diffuses" et "à noyau dense". Les plaques diffuses sont des nuages amorphes faiblement organisés. Les plaques à noyau dense ont un centre compact entouré d'un halo. Les scientifiques ont généralement pensé que les deux types de plaques se forment spontanément à partir d'une production excessive d'une molécule appelée protéine précurseur d'amyloïde (APP). Or, la théorie de cette nouvelle étude est que ce sont en fait les cellules microgliales qui formentdes plaques à noyau dense à partir de fibrilles de bêta-amyloïde diffuses, dans le cadre de leur nettoyage cellulaire.

    Cette théorie s'appuie sur une découverte faite en 2016, qui a montré que lorsqu'une cellule du cerveau meurt, une molécule grasse passe de l'intérieur à l'extérieur de la cellule, signalant ainsi "Je suis morte, mangez-moi". La microglie, via des protéines de surface appelées récepteurs TAM, "mange" la cellule morte, avec l'aide d'une molécule intermédiaire appelée Gas6. Sans les récepteurs TAM et Gas6, la microglie ne peut pas se connecter aux cellules mortes et les éliminer.

    Ces nouveaux travaux montrent que les plaques amyloïdes diffusent elles aussi la molécule Gas6 et le signal "mangez-moi". En menant des expériences sur des souris, les chercheurs ont montré que la microglie dotée de récepteurs TAM mange les plaques amyloïdes via le signal "mangez-mois" et Gas6. Chez les souris modifiées pour ne pas avoir de récepteurs TAM, la microglie était incapable de remplir cette fonction.

    Un phénomène pour se débarrasser des plaques diffuses

    En creusant davantage, l’équipe a découvert qu'après qu'une cellule microgliale a mangé une plaque diffuse, elle transfère la bêta-amyloïde engloutie dans un compartiment très acide et la transforme en un agrégat très compact qui est ensuite transféré vers une plaque à noyau dense. Les chercheurs pensent donc qu'il pourrait s'agir d'un mécanisme bénéfique, qui organise la plaque diffuse en plaque à noyau dense et débarrasse l'environnement intercellulaire des débris."Notre étude semble montrer que lorsqu'il y a moins de plaques à noyau dense, il semble y avoir plus d'effets néfastes", explique le Pr Youtong Huang, premier auteur de l'article.

    Cette découverte suggère de nouvelles pistes de traitement pour la maladie d’Alzheimer. Elle pourrait aussi expliquer l’échec des traitements actuels qui ciblent les plaques amyloïdes dans le cerveau pour les détruire. "Nous soutenons que la bêta-amyloïde est toujours clairement une mauvaise chose ; c'est juste qu'il faut se demander si les plaques à noyau dense sont vraiment néfastes", conclut le Pr Lemke.

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    JDF