Gynéco-obstétrique

Obésité et grossesse : l’arrêt des aGLP-1 avant la conception associé à un sur-risque maternel

Chez des femmes obèses, une exposition récente aux agonistes des récepteurs du GLP-1 (aGLP) puis leur arrêt en période préconceptionnelle ou au début de la grossesse s’associe à une prise de poids gestationnelle plus importante, avec une augmentation du risque de prématurité, de diabète gestationnel et de troubles hypertensifs de la grossesse, mais sans impact majeur sur le poids de naissance extrême ni sur le recours à la césarienne.

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  • 02 Décembre 2025
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    Les agonistes des récepteurs du GLP-1 (aGLP) se sont imposés comme traitements clés de l’obésité et du diabète de type 2, en améliorant à la fois poids, contrôle glycémique et risque cardiovasculaire. Leur utilisation chez les femmes en âge de procréer progresse, alors même qu’ils sont contre-indiqués pendant la grossesse et doivent être interrompus avant la conception en raison de signaux de toxicité fœtale en expérimentation animale. L’enjeu clinique est donc double : bénéficier d’une perte pondérale préconceptionnelle, sans payer le prix d’un rebond de poids délétère pendant la grossesse.

    Dans cette cohorte rétrospective monocentrique incluant 149 790 grossesses simples, 1792 ont été analysées après appariement par score de propension : 448 grossesses exposées à un aGLP entre 3 ans avant et 90 jours après la conception, appariées à 1344 grossesses non exposées de même IMC prégestationnel (36,1 kg/m² en moyenne, 84 % d’obésité). Selon les résultats publiés dans le JAMA, l’exposition aux aGLP, suivie de leur arrêt, s’accompagne d’une prise de poids gestationnelle significativement plus élevée : 13,7 kg contre 10,5 kg, soit +3,3 kg (IC à 95 % 2,3–4,2 ; p < 0,001). Le risque de prise de poids excessive, au-delà des recommandations, est accru (65 % vs 49 %, RR 1,32 ; IC à 95 % 1,19–1,47), suggérant un véritable phénomène de « rebond pondéral » après interruption du traitement.

    Complications obstétricales accrues mais poids de naissance peu modifié

    Au-delà de la prise de poids, l’étude montre une majoration significative de plusieurs complications maternelles. Les grossesses exposées ont davantage de prématurité (17 % vs 13 %, RR 1,34 ; IC à 95 % 1,06–1,69), de diabète gestationnel (20 % vs 15 %, RR 1,30 ; IC à 95 % 1,01–1,68) et de troubles hypertensifs de la grossesse (46 % vs 36 %, RR 1,29 ; IC à 95 % 1,12–1,49). Ces résultats s’inscrivent dans le continuum bien décrit entre prise de poids gestationnelle excessive, diabète gestationnel, hypertension et risque de naissance prématurée.

    En revanche, l’impact sur le fœtus apparaît plus nuancé. Le percentile moyen de poids de naissance est légèrement augmenté (58,4 % vs 54,8 %), mais la proportion de nouveau-nés macrosomes ou petits pour l’âge gestationnel ne diffère pas (respectivement 16 % vs 15 % pour les grands pour l’âge gestationnel). La taille de naissance et le taux de césarienne ne sont pas modifiés.

    Autrement dit, le signal défavorable est surtout maternel, tandis que l’effet sur les extrêmes de poids de naissance reste limité à ce stade. Ces observations sont cohérentes avec l’hypothèse selon laquelle l’IMC prégestationnel demeure un déterminant majeur du poids de naissance, tandis que la prise de poids gestationnelle excessive influence davantage le risque métabolique à plus long terme pour l’enfant, ce qui appelle des suivis prolongés des cohortes exposées.

    Prise de poids gestationnelle : un rebond après arrêt des aGLP

    Les résultats proviennent d’un large recueil de dossiers électroniques d’un système hospitalier académique américain entre 2016 et 2025. Les grossesses exposées étaient identifiées par une prescription de aGLP dans les 3 ans précédant ou les 90 premiers jours de la grossesse. Chaque grossesse exposée était appariée à trois grossesses non exposées selon un score de propension intégrant IMC continu, comorbidités, statut d’assurance, établissement de naissance et nombreux paramètres cliniques issus des données quantitatives (poids, tension artérielle, biologie). Les issues (prise de poids, diabète gestationnel, HTA gravidique, prématurité) reposaient principalement sur des mesures cliniques plutôt que sur des seuls codes administratifs, ce qui renforce la validité des associations observées.

    Comme tout travail observationnel, l’étude reste exposée au risque de confusion résiduelle. Elle ne tient pas compte du poids avant l’initiation des aGLP, mais seulement de l’IMC prégestationnel, et ne permet donc pas de trancher sur le bénéfice net d’une stratégie de perte de poids pharmacologique avant la grossesse par rapport à l’absence de traitement. Les résultats sont par ailleurs issus d’une population majoritairement obèse, plutôt âgée, peu représentative de certaines minorités, et provenant d’un seul système hospitalier, ce qui limite leur généralisabilité à l’ensemble des femmes enceintes.

    Selon un éditorial associé, ces données invitent les cliniciens à considérer l’antécédent récent de aGLP comme un marqueur de risque obstétrical : ces patientes devraient bénéficier d’une surveillance renforcée de la prise de poids, de la tension artérielle et du métabolisme glucidique, et d’un accompagnement nutritionnel intensif après l’arrêt du traitement aGLP. Elles confortent aussi la recommandation d’interrompre les aGLP plusieurs semaines avant la conception planifiée, en anticipant le rebond pondéral et en proposant des stratégies alternatives (activité physique, prise en charge diététique).

    Les priorités de recherche incluent désormais des études intégrant le poids avant traitement, la comparaison de différentes molécules et fenêtres d’exposition, ainsi que le suivi à long terme des mères et des enfants exposés à ce couple « aGLP puis rebond pondéral » autour de la grossesse.

     

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