Témoignage

Confinement, ils témoignent : “Je réalise que je peux tout à fait travailler de chez moi”

Paul, avocat, nous raconte comment le confinement l'a conduit au télétravail, une pratique jusqu'alors inconnue pour lui. S'il est satisfait de cette expérience professionnellement et personnellement, il s'inquiète de l'après-crise du Covid-19 au niveau sociétal. 

  • Par Raphaëlle de Tappie
  • Maxxa_Satori/iStock
  • 05 Avr 2020
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    En cette période de confinement, Pourquoi docteur recueille des témoignages de Français sur leur expérience. Aujourd'hui Paul, 31 ans, confiné au bord de la mer avec sa petite-amie, raconte comment il exerce son métier d'avocat à distance, une première pour lui. Et nous fait part de son pessimisme quant à la gestion politique de l'après-Covid.  

    “J’ai conscience d’être très privilégié. Je suis confiné au bord de la mer, avec ma petite amie avec qui ça se passe très bien. Au niveau de mon travail, le confinement a entraîné la mise en place d’un travail à distance qui n’existait pas dans ma pratique, à l’exception de rares cas d’urgence. Je suis avocat généraliste, c'est un métier qui peut paraître un peu archaïque avec beaucoup de documents papier qui ne sont pas numérisés. Le télétravail est inhabituel pour nous mais on a su s’adapter en emportant à la dernière minute les documents les plus importants afin de rester opérationnels pour nos clients. 

    Je suis indépendant donc pas concerné par le chômage partiel. Je me lève très tôt, je travaille et prends une pause déjeuner un peu plus longue que celle que je m’accorderais en temps normal. J’essaye d’avoir un point téléphonique ou mail avec mes boss tous les jours. Pourtant, même si je travaille quotidiennement, force est de constater une légère baisse d’activité. Pour l’instant, elle ne se fait pas trop ressentir mais elle aura inévitablement des répercussions sur le moyen et long terme, au niveau des demandes clients et de la facturation bien sûr. D’autant plus que, comme pour tous les cabinets, nos charges se maintiennent. On arrive à traiter nos dossiers à distance mais on en perd potentiellement des nouveaux et nos moyens d'action sont limités, notamment au niveau des juridictions. Actuellement, les gens sont chez eux plutôt concentrés à traiter l’urgence mais, paradoxalement, après le confinement, il y aura sans doute une explosion de demandes ‘après crise’. Que ce soit par exemple un contentieux avec l’assurance, l’employeur… 

    Une expérience assez intéressante professionnellement parlant

    Aujourd’hui, au niveau de la justice, les juridictions sont fermées jusqu’à nouvel ordre, a priori jusqu’à fin avril sauf urgence absolue en droit pénal, dans les contentieux de la liberté et en droit civil pour les problèmes relatifs aux enfants ou aux personnes protégées, par exemple.

    Pour moi, cette expérience de confinement est assez intéressante car le télétravail ne se pratique que très peu dans mon activité. J’avais plusieurs fois pensé à le proposer à mes boss pour travailler à distance parfois le vendredi, mais je ne voyais pas comment leur vendre. Là, on n’a pas le choix et je vois que je suis assez efficace et que le cabinet arrive à fonctionner quasi normalement. Je réalise que je peux tout à fait travailler de chez moi et j’essayerai peut-être d’instaurer ça de temps à temps à la rentrée.  

    A un niveau sociétal, je constate avec plaisir que cette crise a réveillé chez beaucoup de personnes des mouvements de solidarité et d’attentions envers leurs voisins ou leurs proches. Personnellement, j’étais déjà impliqué dans quelques démarches solidaires et la situation actuelle montre qu'il faut les poursuivre et les développer plus encore.

    C’est indécent qu’on ait besoin d’une crise pareille pour prendre compte des problèmes des hôpitaux

    Au niveau politique, on aurait mille choses à apprendre mais, malheureusement, je ne crois pas dans les effets d’annonces politiques. Cette crise illustre de nombreux problèmes, notamment les effets néfastes de la mondialisation bien sûr. Cela paraît délirant que la France et tant de pays et d'industries soient aussi dépendants de la Chine ! L’exemple le plus concret, c’est celui des masques. On est très fiers de nous dire qu’on en a assez, puis finalement qu'on en commande livrés chaque semaine par rotation d’Airbus de la Chine vers la France. Mais à quel prix nous les vend-elle et sous quelles conditions ? Il ne faut pas être dupe. Compte-tenu de la situation, il y aura a inévitablement des conditions qui nous rendent encore une fois un peu plus dépendants d'un pays tiers…

    Cette crise illustre aussi bien évidemment les problèmes auxquels est confronté notre système de santé. Comme la justice, l’hôpital est en souffrance depuis de très nombreuses années. L’hôpital crie, hurle. Tout le monde le sait et rien n'a jamais bougé. On a bien sûr plusieurs établissements de pointe mais la façon dont le personnel est pris en charge est pitoyable. Aujourd’hui, tout le monde leur dit ‘Merci’, tout le monde les applaudit, mais ils ont surtout besoin de considération politique et de moyens. Ils doivent travailler dans de meilleures conditions, financières, matérielles et humaines. Qu’on ait besoin d’une crise comme ça pour s'en rendre compte, c’est indécent. J’ose espérer, pour le coup, que les promesses d’investissements financiers des politiques pour les hôpitaux aboutissent. Et que ces derniers arrivent à rebondir après cette crise et tirent au moins leur épingle du jeu auquel on les a contraints de participer et dans lequel ils auront malheureusement, et comme tant d'autres, beaucoup perdu.

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    JDF