Alimentation

Poulets "spaghettis" : quelles conséquences pour la santé?

De plus en plus de viandes de poulet vendues en supermarchés présentent des lignes blanches tandis que certains filets se désagrègent complètement. Est-ce dangereux pour la santé et quelles sont les conséquences nutritionnelles? 

  • Par Raphaëlle de Tappie
  • nastya_ph/iStock
  • 10 Jan 2020
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    “On appelle cela de la viande spaghetti”. Dans un reportage de France 2 réalisé dans des supermarchés aux Etats-Unis, les journalistes alertent sur de la viande de poulet présentant de curieuses lignes blanches. Après le déballage, certains filets se désagrègent entièrement. Mais pas d’inquiétude, si ces anomalies présentent quelques conséquences nutritionnelles, elles sont sans danger pour la santé.

    “La fibre musculaire est cassée et ça donne une texture qui ressemble aux spaghettis. Les poulets grossissent tellement et tellement vite que leur corps ne fournit pas assez d'oxygène et de nutriments à la fibre musculaire, qui se dégrade et devient filandreuse”, explique Rachel Dreskin, directrice de la branche américaine de l'association de défense des animaux d'élevage Compassion in World Farming (CIWF). Car en soixante ans, les poulets américains sont devenus quatre fois plus gros en raison de manipulations génétiques. Dans le même temps, la durée d’élevage a été divisée par deux.

    Mais cela n’arrive pas qu’aux Etats-Unis. “La majorité de la viande de volaille produite dans le monde vient de génotypes développés par une poignée d'entreprises. On retrouve donc ces anomalies partout : en Amérique, en Asie et en Europe”, explique Massimiliano Petracci, enseignant-chercheur en sciences et technologies agroalimentaires à l'université de Bologne (Italie). En France, la consommation individuelle de volaille a presque doublé en métropole ces 40 dernières années, selon un récent dossier du ministère de l’Agriculture. Les Français auraient une appétence toute particulière pour l’escalope vendue à la découpe.

    Pas de risque microbien particulier

    Chez nous, en 2017, des chercheuses de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) ont examiné 123 lots. Elles ont constaté que 66% des filets présentaient des stries blanches, dont 15% à un degré sévère, 53% avaient une texture plus dure par endroits et 11% étaient atteints du défaut “spaghetti” où les fibres musculaires se dissocient les unes des autres. Heureusement, ces anomalies sont sans risques pour la santé des consommateurs, assure l’Inra. Car elles ne “sont pas causées par des infections, donc il n’y a pas de risque microbien particulier”, explique Massimiliano Petracci.

    En revanche, ces défauts ont des effets nutritionnels, la viande étant plus grasse. Les chercheuses ont parfois trouvé moins de protéines nobles, plus de collagène et plus de lipides. Mais cette variation est très faible, assurent-t-elles. “Cela est lié à une croissance accélérée qui va abîmer le muscle de l’animal”, explique le nutritionniste Raphaël Gruman à 20 Minutes. Cela ne représente “aucune dangerosité”, il s’agit simplement d’une viande moins bonne qualité, insiste-t-il, invitant les consommateurs réticents à retirer les bouts de gras présents dans les stries blanches. 

    Les animaux, premières victimes de l’élevage intensif

    D’après une experte de l’Inra interviewée par Franceinfo, Elisabeth Baéza-Campone, les filets défectueux sont surtout présents dans les productions semi-loures et lourdes destinées aux transformateurs. Si le défaut est trop important, ils partent en nourriture pour animaux domestiques. En revanche, ces anomalies n’ont pas été retrouvées en Label Rouge ou en bio, indique la spécialiste. Car dans ces filières, la croissance des animaux est plus lente et les contraintes de rendement moins élevées.

    Aussi, en fin de compte, c’est surtout l’animal qui pâtit de l’élevage intensif. “Les défauts observés s'apparentent à une myopathie. Des cellules de graisse remplacent des fibres musculaires. Les volailles, plus lourdes, ont un centre de gravité déplacé vers l'avant et vont moins bien marcher”, explique Elisabeth Baéza-Campone. Le développement du squelette est transformé et les filets croissent épaisseur.

    “Les entreprises alimentaires savent que la croissance rapide est un problème, mais beaucoup nous ont dit directement qu'elles ne s'engageront pas dans une génétique plus saine tant que les clients ne leur diront pas qu’ils en ont assez. Voici votre chance de prendre position en ajoutant votre nom à notre liste croissante de supporters qui démontrent la demande pour une génétique plus saine pour les poulets, car lorsque vous élevez la voix, les entreprises alimentaires vous écoutent — et des millions d'animaux en bénéficient”, alerte donc l’association CIWF dans une pétition à signer en ligne. Aussi, en attendant que l’industrie agro-alimentaire entende ces complaintes, si l’élevage en batterie vous rebute, tournez-vous vers un poulet fermier.

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    JDF