Douleur : mieux traiter la douleur physique et la douleur psychique

Publié le 14.10.2019
Mise à jour 23.08.2023
Douleur : mieux traiter la douleur physique et la douleur psychique
Ridofranz / iStock

La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable qui peut être associée ou non à une lésion. La douleur est le plus souvent un signal d’alarme qui doit être exploré, mais elle peut également correspondre à un désordre du système nerveux, en particulier dès que la douleur se « chronicise ».

Douleur (général) : COMPRENDRE

Des mots pour les maux

Une douleur peut être aiguë ou chronique (plus de 3 mois). Entre les 2, on trouve la douleur subaiguë.

La douleur peut être liée à une stimulation des récepteurs de la douleur (piqûre, inflammation, brûlure,…) : c’est la douleur « nociceptive ».

La douleur peut être liée à un dysfonctionnement du système de la douleur : c’est la douleur « neurogène » ou « neuropathique ».

La douleur cancéreuse est classée à part car elle emprunte aux 2 autres douleurs.

Qu'est-ce que la douleur ?

Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée ou non à une lésion, la douleur est une sensation complexe qui est indissociable de la conscience, ainsi que de l’émotion qu’elle suscite.

La douleur est donc un phénomène subjectif qui repose avant tout sur le ressenti du patient, ce qui la rend difficile à quantifier et à qualifier. Dans certains cas, la douleur n’est pas liée systématiquement à une lésion évidente du corps (« lésion somatique ») et ceci rend son étude plus complexe.

Il existe plusieurs types de douleurs, mais dans la douleur classique « signal d’alarme » (« douleur nociceptive »), par exemple une main posée par inadvertance sur une plaque chauffante, il est néanmoins possible de décrire le parcours de l’information douloureuse dans l’organisme.

La brûlure va stimuler les terminaisons nerveuses de la peau (qui sont également présentes dans d’autres tissus : muscles, articulations, intestins, membrane autour de l’os, capsule articulaire, ligaments…). Après avoir été stimulées, ces terminaisons nerveuses vont transmettre un message via des cellules nerveuses spécialisées : les « neurones nocicepteurs », jusqu’à la moelle épinière, site des premiers relais entre ces cellules nerveuses et les neurones suivants dans les circuits de la douleur, puis au cerveau, jusqu’au cortex, siège de la conscience. C’est une fois arrivé au cerveau que ce signal est identifié comme une souffrance et une douleur.

Cependant, avant même que le cerveau ait conscience de ce signal douloureux, la main aura été écartée de la source de chaleur grâce à un réflexe qui fait intervenir un « arc réflexe » court impliquant uniquement la moelle épinière (neurone « afférent » qui véhicule la douleur en lien direct avec le neurone « effecteur » de la contraction musculaire dans la moelle épinière). C’est également au niveau de la moelle épinière que les premiers systèmes de rétrocontrôle interviennent : il s’agit d’un mécanisme de protection contre la douleur qui implique des neurotransmetteurs, comme le GABA, ou des « endorphines ». Dans certaines conditions, d’autres systèmes peuvent également exacerber l’information douloureuse.

La douleur aiguë « nociceptive » joue donc un rôle d’alarme qui va permettre à l’organisme de réagir et de se protéger face à une agression mécanique, chimique ou thermique. Dans beaucoup de cas, cette douleur est liée à une maladie qui fait intervenir la compression, la distension, la privation d’oxygène (« ischémie ») ou l’inflammation d’un organe, mais ce sont in fine les mêmes mécanismes.

Si la douleur devient chronique, le mécanisme est différent et fait intervenir un dysfonctionnement du système nerveux qui traite la douleur (« circuits de la douleur »). La douleur devient dans ce cas une maladie à part entière et on parle de douleur « neurogène » ou « neuropathique ».

En cas de cancer, le mécanisme de la douleur est plus complexe et associe souvent des mécanismes nociceptifs, en particulier compressifs et inflammatoires, et des mécanismes neuropathiques : on parle de douleurs cancéreuses.

Comment les médecins classent-ils les douleurs ?

• Habituellement, la douleur est divisée en 3 catégories en fonction de sa durée. La douleur aiguë est d’apparition brutale, intense mais souvent brève : c’est ce qu’on ressent en se brûlant ou en se coupant le doigt, par exemple.

La douleur est dite chronique lorsque la douleur persiste au-delà de trois mois. Il s’agit d’une douleur plus particulière qui fait alors intervenir un dysfonctionnement des circuits neurologiques de la douleur et dont le traitement est plus complexe. C’est pourquoi les médecins définissent, entre les deux, la douleur subaiguë qui est une douleur qui dure au moins 6 semaines et moins de 3 mois.

Cette douleur subaiguë ferait le lit de la douleur chronique, mais serait toutefois plus simple à traiter, ce qui permettrait de prévenir le passage à la chronicité. Ce phénomène a pu être vérifié dans la lombalgie où le traitement intensif de la lombalgie subaiguë peut prévenir le passage à la chronicité.

• Par ailleurs, dans une perspective diagnostique, les médecins classent aussi les douleurs en fonction de leur horaire.

La douleur inflammatoire est souvent une douleur nocturne, maximale dans la 2e partie de la nuit et le matin au réveil où elle s’accompagne d’une raideur qui est responsable d’un dérouillage matinal prolongé (plus de 30 minutes). Cette douleur inflammatoire tend à s’estomper dans la journée avec l’activité.

La douleur mécanique en revanche apparaît à l’utilisation du segment de membre ou de colonne vertébrale et est calmée par le repos dans une position propre.

• Enfin, il est possible de classer les douleurs en fonction de leur intensité mesurée sur une échelle visuelle analogique (EVA) ou numérique (EN) de la douleur.

La douleur est qualifiée de « faible à modérée » en cas de mesure inférieure à 40 mm sur l’EVA, de douleur « modérée à sévère » en cas de mesure EVA comprise entre 40 et 70 mm et de « très intense » en cas de mesure EVA supérieure à 70 mm.

Quelles sont les causes de la douleur ?

Au-delà de cette classification chronologique, il existe une classification selon le contexte, sinon selon le mécanisme exact responsable de la douleur chronique. Trois formes de douleurs chroniques peuvent être distinguées selon le contexte :

• Les douleurs nociceptives aiguës et chroniques sont liées à l’apparition et à la persistance de la cause, le plus souvent inflammatoire : elles recouvrent toutes les douleurs associées aux rhumatismes inflammatoires, à l’arthrose, aux sciatiques...

• Les douleurs neuropathiques sont associées à des atteintes des circuits de la douleur dans le système nerveux central et périphérique : lésion de la moelle épinière, du nerf sciatique, du ganglion spinal (comme dans la douleur post-zostérienne)...

• Les douleurs cancéreuses sont plus complexes et elles associent souvent une composante à la fois inflammatoire et neuropathique.

Pourquoi a-t-on mal et pourquoi la douleur peut persister ?

Si l’explication de la douleur nociceptive ne présente pas de problème, car liée à une cause mettant en branle le circuit de la douleur : il suffira alors d’identifier et de traiter la cause pour voir régresser les douleurs. A l’opposé, la compréhension des douleurs chroniques est plus compliquée.

Dans les douleurs chroniques, il existe clairement un dysfonctionnement des circuits neurologiques de la douleur et à plusieurs niveaux. De façon schématique, il est dit qu’à chaque relais entre les cellules nerveuses (« neurones »), du récepteur de la douleur jusqu’au cortex cérébral, il existe des mécanismes de régulation qui modulent le message douloureux entrant, voire il existe des boucles neuronales de « rétrocontrôle » pour atténuer les messages trop intenses.

Un des mécanismes d’apparition de la douleur chronique serait la disparition de ces rétrocontrôles. Il existerait donc une « sensibilisation » des voies de la douleur périphérique et centrale dans certaines circonstances : ceci expliquerait pourquoi, après une intervention ou une lésion nerveuse, le système nerveux de la douleur devient et reste hypersensible à la douleur. Ainsi, des événements douloureux postérieurs et sans lien avec l’événement déclencheur peuvent ensuite être ressentis de façon exacerbée chez certains patients.

Plus récemment, il a été montré que la douleur n’est pas un phénomène uniquement neurologique. Les cellules chargées de la nutrition et du support des neurones dans le système nerveux central, les « cellules gliales », ainsi que certaines « cellules immunitaires » (impliquées dans les défenses immunitaires) sont également impliquées dans l’apparition des douleurs neuropathiques. Certaines fonctions gliales étant altérées, les cellules sécrètent des substances (« glio-transmetteurs ») qui stimulent les neurones sensoriels et exacerbent donc la douleur. L’identification de ces nouveaux acteurs majeurs de la douleur chronique est prometteuse pour l’élaboration de nouveaux médicaments.

Pourquoi les douleurs sont-elles différentes d’un jour à l’autre ?

La douleur est une sensation subjective et personnelle puisqu’elle peut être ressentie de façon très différente en fonction des personnes, mais aussi pour une même personne, selon son contexte et son environnement. Cette différence s’explique par le lien étroit qui existe entre la douleur et le contexte psycho-social.

L’imagerie cérébrale a bien permis de montrer que les centres cérébraux responsables de la perception de la douleur sont étroitement liés aux centres impliqués dans les émotions.

Cet aspect peut être mis à profit dans le contrôle de la douleur : beaucoup d’études montrent qu’une personne qui souffre et dont l’attention est sollicitée ailleurs ressentira moins la douleur qu’une personne qui reste focalisée sur sa douleur.

Douleur (général) : DIAGNOSTIC

Comment faire le diagnostic devant une douleur aiguë ou chronique ?

Toute douleur aiguë doit déboucher sur un diagnostic, qu’elle soit articulaire, musculaire, thoracique, abdominale ou qu’elle touche les membres, la tête et le cou.

Certaines de ces douleurs aiguës peuvent également être des urgences chirurgicales, ce qui impose une démarche diagnostique accélérée. Le diagnostic n’est parfois avéré dans ce cas que lors de l’intervention chirurgicale.

Les douleurs chroniques et les douleurs cancéreuses sont parfois difficiles à parfaitement comprendre. L’enquête diagnostique soigneuse et l’imagerie moderne permet néanmoins de trouver une cause dans la plupart des cas.

Dans les douleurs neurogènes, la cause originelle de la douleur a le plus souvent disparu depuis longtemps et il ne sert à rien de multiplier les examens. La stratégie va se concentrer avant tout sur le soulagement de la douleur à l’aide de combinaison de diverses molécules et techniques. Les nouvelles techniques d’imagerie fonctionnelle (IRM-f) apporteront vraisemblablement une aide dans l’évaluation quantitative et qualitative (il y a souvent plusieurs composantes dans la douleur chronique) de la réponse au traitement.

Comment évaluer la douleur ?

La douleur étant une sensation éminemment subjective, les médecins se sont attachés à développer des moyens d’évaluation les plus objectifs possibles pour essayer d’adapter les traitements disponibles au mieux des besoins des malades.

Ces outils d’évaluation reposent essentiellement sur des questionnaires ou des échelles de la douleur, pour mesurer l’intensité de la douleur et son impact sur la qualité de vie des patients.

Pour les adultes, l’échelle la plus souvent utilisée est l’échelle numérique, graduée de 0 pour « absence de douleur », à 10 pour « douleur maximale imaginable », ainsi que l’échelle visuelle analogique de la douleur, qui est une règle graduée permettant au malade d’indiquer le niveau de la douleur et au médecin de la mesurer.

Pour les enfants, les médecins utilisent une échelle PFS (Pain Face Scale) à 6 gradations avec 6 visages dont l’expression passe de « sourire » à « visage tordu par la douleur ».

A-t-on une preuve objective de l’existence de la douleur ?

Les techniques d’imagerie cérébrale, et notamment l’IRM fonctionnelle (IRM-f), ont permis de mettre en évidence une réaction objective du cerveau en cas de perception d’une douleur. Grâce à l’imagerie, il est même possible de quantifier la douleur ressentie au niveau cérébral. L’imagerie permet, par ailleurs, de traduire en images les liens étroits entre douleur et émotion.

Avec ces nouvelles techniques qui objectivent les voies neurologiques et les médiateurs impliqués dans différentes douleurs, la recherche va pouvoir avancer à grand pas pour développer des stratégies thérapeutiques ciblant plus spécifiquement chaque type de douleur.

Quand faut-il consulter en urgence pour une douleur ?

Une douleur aiguë est potentiellement grave dès qu'un seul des critères suivants est présent :

• Elle survient à la suite d’un traumatisme.

• Elle s’inscrit dans un contexte d’immunodépression ou de grossesse.

• Elle est brutale et d’emblée intense, puis elle dure de façon continue plus de trois heures.

• Elle s'accompagne de signes associés intenses (fièvre, vomissements, ballonnement, contracture des muscles, diarrhée...).

• Elle s'accompagne d’une altération rapide de l’état général : pouls faible voire filant, baisse ou chute de la pression artérielle, fièvre.

Dans ce cas, il faut consulter très vite aux urgences et le mieux est d’appeler le SAMU.

Douleur (général) : TRAITEMENT

Quels sont les différents médicaments de la douleur ?

Les principaux médicaments antidouleur (antalgiques) classiques sont divisés en trois classes en fonction de leur puissance d’action. Chaque classe correspond théoriquement à un niveau de la douleur mesuré initialement par une mesure objective et, en particulier, avec une échelle numérique (EN) ou une échelle visuelle analogique de la douleur (EVA).

La douleur « faible à modérée » (mesure inférieure à 40 mm sur l’EVA) relèvent des antalgiques de niveau I : paracétamol, aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) tels que l’ibuprofène, le kétoprofène…

La douleur « modérée à sévère » (mesure EVA comprise entre 40 et 70 mm) se voit indiquer en première intention un antalgique de niveau II : codéine, poudre d’opium ou tramadol, seuls ou en association au paracétamol.

La douleur « très intense » (mesure EVA supérieure à 70 mm) revendique d’emblée un antalgique de niveau III : morphine et autres dérivés de l’opium (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, nalbuphine, oxycodone et péthidine).

Mais d’autres molécules peuvent être également utilisées pour combattre la douleur comme des anesthésiques locaux pour les douleurs localisées ou post-zostériennes (lidocaïne, procaïne, bupivacaïne...) désormais disponibles sous forme de patch pour certaines d’entre elles, ou des antispasmodiques intestinaux (utiles dans les douleurs viscérales comme les coliques néphrétiques ou les douleurs intestinales).

Pour les douleurs neurogènes, les antalgiques classiques ne sont pas très efficaces et il est nécessaire de recourir à des molécules psychotropes (antidépresseurs et anti-épileptiques) dont le principal intérêt est d’interférer avec la transmission des messages chimiques entre les cellules nerveuses, mais dont les effets indésirables limitent parfois l’utilisation. Ces médicaments agissent essentiellement au niveau de l’articulation entre les différents neurones au niveau de ce que les médecins appellent la « synapse ». C’est le cas de certains antidépresseurs et des antiépileptiques qui sont parfois utilisés dans le traitement des névralgies rebelles de la face et des douleurs neuropathiques.

À côté des médicaments, d’autres techniques sont disponibles pour soulager les douleurs. Elles relèvent de la chirurgie ou de la neurostimulation ou sont issues de médecines traditionnelles (acupuncture, massages, manipulations).

De plus, dans le cadre des petits accidents de la vie quotidienne et des loisirs, l'application de froid est une méthode efficace de réduction de la douleur aiguë.

Quels sont les principes du traitement de la douleur ?

Les douleurs nociceptives sont correctement prises en charge par différents antalgiques de référence : le paracétamol, l’aspirine ou encore la morphine et ses dérivés, pour les douleurs les plus rebelles. Ces médicaments sont efficaces contre des douleurs aiguës, mais présentent des effets secondaires non négligeables s’ils sont utilisés de façon prolongée, voire chronique (troubles gastriques et rénaux, tolérance et dépendance à la morphine,…).

Les douleurs neuropathiques, liées le plus souvent à une lésion du système nerveux, répondent très mal aux antalgiques traditionnels, exceptés certains opioïdes. Mais les effets secondaires de ces derniers, à long terme, ne permettent pas de les utiliser à forte dose pour des douleurs chroniques. Les traitements aujourd’hui utilisés sont basés sur des associations d’antalgiques avec les antidépresseurs et/ou les antiépileptiques. Ces deux derniers types de médicaments ont une action antalgique différente et présentent moins d’effets indésirables. Mais ils ont une efficacité modérée chez pratiquement 50 % des patients. Les médecins se retrouvent donc démunis devant les autres patients. D’où la nécessité de trouver d’autres pistes thérapeutiques.

Les douleurs cancéreuses sont basées sur l’association de morphiniques et d’anti-inflammatoires, voire d’antidépresseurs ou d’anti-épileptiques.

Comment utiliser les médicaments dans la douleur nociceptive ?

• Le paracétamol est l’antalgique de niveau I de première intention. On ne connaît pas exactement son mode d’action antalgique : il a longtemps été classé comme antalgique périphérique, mais on pense désormais que son mode d’action est central, non morphinique. Il est commercialisé sous de nombreuses présentations mais la majorité des dosages est à 500 mg ou 1g. Il a un excellent rapport efficacité tolérance à 1 g, mais sa durée d’action est courte, 2 à 3 heures dans la majorité des cas ce qui impose de la prendre en 4 prises par jour, sans dépasser 4 grammes par jour chez l’adulte sans insuffisance hépatique.

• Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens existent sous diverses molécules et présentation. Ils sont principalement anti-inflammatoires mais aussi antalgiques à plus faible dose, en particulier pour une molécule comme l’ibuprofène que l’on trouve dans le commerce sous diverses présentations. L’avantage par rapport au paracétamol est qu’ils peuvent avoir une durée d’action plus prolongée permettant 3 prises par jour (ex : ibuprofène 400 mg x 3 par jour). L’inconvénient est qu’ils exposent à des risques d’accidents digestifs (ulcères gastroduodénaux avec risque d’hémorragie digestive), un risque d’insuffisance rénale, en particulier chez le sujet âgé déshydraté avec un traitement antihypertenseur de type inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou Sartan, et enfin, un risque cardiovasculaire lorsqu’ils sont pris quotidiennement et à long terme. Ils sont désormais divisés en AINS type Cox-1 et AINS type Cox-2, ces derniers étant possiblement moins toxiques pour l’estomac. Leur mode d’action serait périphérique, c’est-à-dire par action sur les récepteurs périphériques.

• Les antalgiques de niveau II sont basés sur les associations paracétamol-codéine ou paracétamol-poudre d’opium, généralement administrés en trois prises par jour. Le bénéfice recherché de ces associations est de combiner les bénéfices d’un antalgique central morphinique faible avec un autre antalgique non-morphinique, mais ce bénéfice additif n’est que partiel. Une association paracétamol-tramadol doit être administrée en 4 prises par jour et elle présente un effet antalgique supplémentaire à l’effet opioïde : il existerait une action monoaminergique par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine qui exercerait un effet antalgique au niveau médullaire. L’inconvénient est que la codéine, la poudre d’opium ou le tramadol sont parfois à l’origine de nausées, de vomissements et qu’ils perturbent la conduite. Ils doivent être essayés successivement afin de trouver celui qui apporte le meilleur rapport bénéfice risque pour chaque malade.

• Les antalgiques de niveau III, ou opioïdes forts, ont une action antalgique centrale (dans le cerveau) au niveau des récepteurs opioïdes. Il existe suffisamment d’opiacés agonistes purs (action directe sur le récepteur) pour éviter d’utiliser les agonistes partiels ou les agonistes-antagonistes (buprénorphine, nalbuphine) qui sont plus difficiles à manipuler dans un but antalgique. On utilise donc en priorité la morphine et d’autres opioïdes forts (fentanyl, hydromorphone et oxycodone).

Il existe des formes injectables, transdermiques (patch) et orales, et parmi ces dernières, des formes à libération immédiate et des formes à libération prolongée. Le principe est de rechercher la dose efficace avec des formes à libération immédiate (dont la durée d’action est d’environ 4 heures) : c’est la « titration », puis de remplacer les formes à libération immédiate par 2 prises quotidiennes d’une forme à libération prolongée qui couvre mieux les 24 heures et évite les « trous thérapeutiques ». Les formes à libération immédiates peuvent être additionnées pour l’ajustement des doses aux « pics de douleurs ».

Selon leur affinité pour le récepteur opioïde « mu », le potentiel antalgique est différent et il existe donc une table « d’équivalence équi-analgésique » pour ces molécules pour la même efficacité antalgique, à une dose d’une molécule correspond une autre dose d’une autre molécule : ainsi à 60 mg de morphine par voie orale (per os) correspondent :

- 20 mg de morphine injectable (sous-cutanée ou intraveineuse),

- 8 mg d’hydromorphone par voie orale,

- 25 microgramme de fentanyl transdermique par heure,

- 30 mg d’oxycodone par voie orale.

Du fait de leur potentiel toxicomaniaque, leur prescription est très strictement encadrée (prescription en toute lettre sur des ordonnances sécurisées = 8 jours pour les formes injectables et 28 jours pour les formes orales). Leur interruption à la fin du traitement doit être progressive.

En dehors de l’accoutumance et de la dépendance psychique et physique, tous ces antalgiques de niveau III ont les mêmes effets secondaires :

- constipation (à prévenir dès le début de la prescription avec des mucilages et des fibres alimentaires et une bonne hydratation),

- nausées et vomissement en début de traitement (à prévenir par des « antiémétiques » tels que la dompéridone, le métoclopramide ou la métopimazine ou exceptionnellement les antagonistes des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine),

- dépression respiratoire (rare mais possible, ce qui impose de surveiller la fréquence respiratoire au cours de la titration),

- sédation et somnolence (qui peuvent être un signe de surdosage),

- confusion mentale et dysphorie chez le sujet âgé,

- rétention d’urine,

- sécheresse buccale.

Ces molécules doivent donc être réservées aux malades douloureux non ou insuffisamment soulagés par les thérapeutiques usuelles après élimination des contre-indications : insuffisance respiratoire ou hépatique, état dépressif, traumatisme et hypertension intracrânienne, intoxication alcoolique, enfant de moins de 30 mois et allaitement.

Comment utiliser les médicaments dans la douleur neurogène ?

Différentes molécules sont utilisées (antalgiques et non-antalgiques). Le principe est de ne pas prendre de doses trop fortes pour chaque molécule, car le gain d’efficacité est minime alors que le risque d’effets indésirables augmente très vite. Il s’agit donc plutôt de rechercher la meilleure association de molécules à dose modérée, en commençant toujours par une mono- ou une bithérapie d’un antalgique classique. Ce type d’antalgique peut être associé à un antidépresseur et/ou à un antiépileptique.

• Les antalgiques classiques ne sont généralement pas efficaces dans la douleur neurogène, en dehors des morphiniques à dose modérée, en se rappelant que l’objectif n’est pas de prescrire ces molécules sur des périodes trop prolongées du fait du risque d’accoutumance et de dépendance. Le tramadol est à ce titre une molécule intéressante du fait de sa double action : action sur les récepteurs mu cérébraux et action monoaminergique au niveau de la moelle épinière.

• Les antidépresseurs utilisés dans les douleurs neurogènes sont le plus souvent des molécules tricycliques déjà anciennes (amitriptyline, clomipramine, imipramine) qui ont une action avérée sur les douleurs neurogènes périphériques. Leurs effets secondaires sont dépendants de la dose (sécheresse de la bouche, constipation, sueurs, troubles visuels, palpitations, rétention urinaire, troubles cognitifs, confusion, hypotension orthostatique avec risque de chutes notamment chez le sujet âgé). L’efficacité des antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la sérotonine et de la noradrénaline (venlafaxine, duloxétine) est établie dans le traitement des neuropathies périphériques liées au diabète (notamment en ce qui concerne la duloxétine). Les effets indésirables les plus fréquents de la duloxétine comportent des nausées, une constipation ou une diarrhée, une inappétence, parfois une sécheresse de la bouche et une somnolence. Quelques cas d’élévation des enzymes hépatiques, de la tension artérielle et de l’hémoglobine glyquée (généralement modeste et sans impact clinique pour cette dernière) ont été rapportés.

Parmi les antiépileptiques, l’efficacité de la prégabaline et de la gabapentine est largement démontrée dans les douleurs neurogènes périphériques et centrales de l’adulte. Ces traitements agissent vraisemblablement en réduisant les phénomènes de sensibilisation centrale. Les effets indésirables les plus fréquents incluent : impression vertigineuse, somnolence, fatigue, prise de poids, œdèmes périphériques, céphalées et bouche sèche.

L’efficacité des emplâtres de lidocaïne a été confirmée dans la douleur post-zostérienne et à moindre degré dans des lésions nerveuses périphériques associées à une hypersensibilisation à la douleur (« allodynie »).

D’autres traitements sont étudiés et paraissent prometteurs.

Y a-t-il des traitements non-médicamenteux de la douleur ?

De nombreuses prises en charge non médicamenteuses sont aujourd’hui utilisées dans la prise en charge de la douleur chronique, en plus du traitement médicamenteux.

Acupuncture, relaxation, sophrologie, ou hypnose, sont des méthodes qui ont objectivement prouvé une certaine efficacité dans les douleurs chroniques, notamment par des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle.

Elles ont maintenant pris une place importante dans les centres antidouleur et permettent même parfois de diminuer les prises médicamenteuses de certains patients.

Douleur (général) : VIVRE AVEC

Comment prévenir la douleur chronique ?

Un traitement efficace de la douleur au cours d’un zona, d’une intervention chirurgicale ou d’un traumatisme représente un élément majeur de la prévention des douleurs chroniques.

Dans la lombalgie, le repérage des lombalgies subaiguës et leur traitement intensifié ont une action préventive démontrée contre l’installation d’une lombalgie chronique.

Comment vivre avec une douleur chronique ?

Il est bien sûr nécessaire de vérifier qu’il n’y a pas une cause spécifique à traiter. C’est particulièrement le cas, par exemple, dans la lombalgie où le spondylolisthésis et les douleurs sur inflammation osseuse vertébrale type Modic I (« discarthrose érosive ») revendiquent d’un traitement spécifique.

Il convient ensuite de soulager la douleur et d’ajuster le traitement de la douleur, en recourant aux différentes molécules disponibles, et au besoin en passant par un centre antidouleur.

Lorsqu’on s’est occupé de la dimension physique de la douleur et qu’elle persiste, on doit s’occuper également de sa dimension psychologique. Car une douleur qui dure a inévitablement des répercussions sur le psychisme (anxiété, dépression,…).

Le soutien d’un psychiatre ou d’un psychologue, l’utilisation de l’hypnose, la sophrologie, la méditation, la relaxation et l’exercice physique, quand il est possible, ont un impact positif démontré et permettent souvent au malade de ne pas rester passif, ce qui augmente également le ressenti de la douleur.

Il faut également ne pas négliger la douleur sociale : la douleur isole le malade et l’isolement aggrave le ressenti de la douleur. Il faut donc essayer d’expliquer la douleur à l’entourage afin d’obtenir son soutien actif.

Enfin, il ne faut pas hésiter à réévaluer régulièrement la douleur et les options de traitement. Il existe des progrès médicaux d’une part, et des modifications de la douleur au fil du temps qui nécessitent des adaptations de la stratégie de traitement.

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JDF