Ruelle-sur-Touvre

Charente : bataille autour d’un arrêté anti-pesticide

Le maire de Ruelle-sur-Touvre a décidé d’interdire l’épandage de pesticides aux abords des habitations. Le secteur agricole est vent debout.

  • Par Marion Guérin
  • justinb/epictura
  • 24 Mar 2017
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    A Ruelle-sur-Touvre, en Charente, la mairie a décidé de protéger sa population à travers une décision forte, qui fait déjà grand bruit. L’élu municipal, Michel Tricoche, a adopté un arrêté interdisant les épandages de pesticides à moins de 50 mètres des habitations. Une réglementation notamment réclamée par une habitante de la commune, qui s’est plainte auprès de la mairie d’avoir développé une maladie du fait des résidus toxiques des produits phytosanitaires pulvérisés dans un champ de céréales voisin.

    Michel Tricoche (divers gauche) a justifié sa mesure au nom du principe de précaution. « Ce que je regarde, c’est la santé de mes administrés », a-t-il déclaré, cité par le journal Sud Ouest. En mai 2016, un arrêté préfectoral bannissant les épandages aux abords des lieux sensibles recevant un public vulnérable (EHPAD, crèches…) a été adopté en Charente et Charente-Maritime. Le maire a toutefois décidé de renforcer la législation locale dans sa commune de 7200 habitants.

    Protestations

    Décision qui n’est pas du goût des agriculteurs de Ruelle-sur-Touvre. Immédiatement, la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles), qui représente la profession, a annoncé son intention de saisir le préfet pour attaquer l’arrêté municipal. « Nous contestons vivement la prise de cet arrêté et nous vous demandons sans délai de surseoir à son application et d’interpeller le maire de la commune pour que cet arrêté soit retiré », écrit la FNSEA dans un communiqué.

    Une protestation à laquelle s’est jointe la chambre d’Agriculture de la Charente. « Accepter de telles pratiques porterait atteinte à l’agriculture en général et à l’économie nationale à terme, sans pour autant solutionner les attentes sociétales grandissantes sur ces sujets », fait-elle savoir dans un communiqué.

    Multiplication des conflits

    L’affaire en est donc là, illustrant une fois de plus les difficultés majeures rencontrées dans ces régions agricoles, qui creusent les conflits entre riverains et professionnels. D’un côté, les populations exposées exigent davantage de protection contre les pesticides qu’ils respirent toute la journée lors de la saison des épandages et dont les résidus polluent le domicile, avec les conséquences sanitaires dont on commence seulement à apercevoir l’étendue.

    De l’autre côté, les agriculteurs, pourtant très exposés aux produits chimiques, se montrent réticents à une évolution de la législation. La plupart fonctionnent encore sur un modèle d’agriculture conventionnelle étroitement lié aux pesticides, lesquels permettent de limiter leurs pertes et d’augmenter leurs rendements. Beaucoup d’agriculteurs craignent ainsi de devoir rogner des marges parfois faibles s’ils devaient se passer de produits phytosanitaires - et tant pis s’ils doivent le payer de leur propre santé.

    Un arrêté interministériel en préparation

    Au niveau local, les chartes se multiplient afin d’apaiser les tensions et tenter de faire coïncider les intérêts de chacun. Mais la situation reste complexe, hétérogène et transitoire. Seule une politique nationale sur les épandages de pesticides semble pouvoir offrir une solution à ces conflits locaux.

    Celle-ci est en route, mais les discussions reflètent la difficulté du dossier. Un arrêté interministériel est en cours de préparation afin de faire évoluer la réglementation de 2006. Le futur texte doit tenir compte de la présence des riverains (ce qui n’était pas le cas jusqu’ici), mais aussi de la force des vents, des distances des habitations et des cours d’eau, et des délais de réentrée pour les salariés agricoles (retour sur une parcelle après un traitement). La FNSEA, fermement opposée à l’arrêté, mène une lutte acharnée afin de vider le texte de sa substance, quand le ministère de l’Ecologie et celui de la Santé tentent d’imposer une régulation stricte. L’issue de ce bras de fer reste très incertaine.

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    JDF