Etude parisienne

Le binge drinking fréquent chez les étudiants en médecine

Près des trois quarts des étudiants en médecine ont déclaré au moins un épisode d'alcoolisation à risque au cours des deux semaines précédant une enquête menée à Paris. 

  • Par Bruno Martrette
  • Huw Evans / Rex Feature/REX/SIPA
  • 16 Sep 2016
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    Les soirées médecine où l'alcool coulerait à flots ne sont pas un mythe. Les alcoolisations à risque sont fréquentes chez ces étudiants soumis à une forte pression. C'est en effet ce que révèle une étude menée au sein de la faculté de médecine de Paris VII (1) publiée récemment dans la revue scientifique L'Encéphale. Grâce à un bref auto-questionnaire, ces scientifiques ont pu évaluer le penchant pour les boissons alcoolisées de ces jeunes censés connaître les méfaits pour la santé des substances psychoactives (tabac, alcool, cannabis, etc.)

    Et les chiffres ont de quoi donner des sueurs froides aux professeurs de médecine et autres chefs de services des hôpitaux qui les encadrent. Parmi les 302 étudiants en médecine interrogés (âgés de 18-22 ans), les trois quarts ont rapporté au moins un épisode d'alcoolisation à risque dans les deux dernières semaines. En moyenne, ils déclarent même 2,4 épisodes de ce type au cours de cette période. Et le pire est peut-être quand on les interroge sur leur consommation maximale, celle-ci peut monter jusqu'à 10,3 verres ! De quoi donner le tournis à ces étudiants qui suivent des études parmi les plus sélectives en France.

    Fuir les préoccupations quotidiennes 

    A ce sujet, le Dr David Duroy, principal auteur des travaux, explique avoir noté « une association significative entre le nombre d’alcoolisation à risque et la consommation maximale de verres d’alcool ». Il précise que les buveurs à risque consommaient le plus souvent « dans un contexte festif et recherchaient plus fréquemment l’ivresse ».

    Mais pourquoi un tel comportement ? La motivation assumée de ces futurs médecins était « une fuite des préoccupations quotidiennes ». Le stress des partiels s'évacuerait donc dans un verre d'alcool. Conclusion, comme leurs ainés, les étudiants en médecine seraient touchés par des difficultés professionnelles, très fréquentes chez l'ensemble des personnels de santé (infirmières, urgentistes, généralistes, etc.) Pour ces derniers, le burn-out est souvent la fin du parcours... 

    Contacté par Pourquoidocteur, le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre à l'hôpital Bichat (Paris), fournit une analyse complémentaire. Co-signataire des travaux, il confie qu'« aujourd'hui, la manière des jeunes de consommer de l'alcool est différente de celle de leurs parents ». « Il n'en consomment pas tous les jours mais ont plutôt une prise paroxystique », ajoute-t-il.  

    Par ailleurs, ces étudiants en médecine ont expérimenté aussi de façon plus importante les conséquences négatives de l'alcool. Les chercheurs citent l'exemple fréquent dans cette population des fameux épisodes de black-out, dans lesquels une personne a oublié de nombreux moments d'une soirée.

    Et c'est donc logiquement que ces étudiants stressés adoptent aussi davantage de conduites à risque puisque les plus gros buveurs ont plus de comportements agressifs (entraînant parfois des passages aux Urgences) que les autres et conduisent fréquemment en état d’ébriété. De plus, ils ont confié que l'alcool les conduit souvent à des rapports sexuels non protégé... 

    Des programmes de prévention à l'étude ?

    Enfin, ces buveurs à risque co-consommaient également plus de tabac et de substances illégales. Et l'équipe a retrouvé chez eux une part plus importante de problèmes d'addiction liés à ces deux substances. Bref, la totale d'une soirée qui peut très mal finir. 

    Pour ces chercheurs français, leurs résultats sont tellement préoccupants qu'ils estiment nécessaire de développer des programmes de prévention au sein de cette population particulière. Surtout qu'ils pensent de plus en plus que « le binge drinking est proche d'un processus de dépendance ». « Ces stratégies pourraient être conçues autour de plusieurs interventions dans les campus et les soirées étudiantes », proposent ainsi les auteurs de l'étude.

    L'objectif de ces interventions consisterait à casser une culture qui incite à une consommation collective forte de l'alcool. « Une bonne fête est une fête alcoolisée pensent les jeunes », d'après le Pr Lejoyeux. Et le spécialiste en addictologie de rappeler le rôle qu'ont joué les parents dans ces consommations à risque : « la pression de la culture est plus forte que le poids de la science sanitaire. Les étudiants en médecine n'y échappent pas. Comme les autres, il faut qu'ils sortent de cette représentation positive de l'alcool », conclut-il.

    Ecoutez...
    Pr Michel Lejoyeux, psychiatre à l'hôpital Bichat (Paris) : « Les parents qui, un verre à la main, disent à leur enfant de ne pas boire, il y a plutôt un effet d'exemple...»


    (1) L'étude a été menée conjointement par le département de psychiatrie et d’addictologie de l'hôpital Bichat-Claude-Bernard (Paris) ; l'Université Paris Diderot–Paris-VII et le département d’épidémiologie de la communauté hospitalière de territoire (CHT) pour la psychiatrie parisienne.

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    JDF