Prélèvements salivaires

Sécurité routière : le dépistage des drogues se renforce

Un décret paru cet été remplace le dépistage sanguin des stupéfiants par un dépistage salivaire. La question de la fiabilité de cette procédure se pose.

  • Par Marion Guérin
  • SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA
  • 16 Sep 2016
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    Les usagers de drogues vont devoir redoubler d’attention : les conditions de dépistage des stupéfiants sur les routes se sont considérablement renforcées. Un décret paru le 26 août précise qu’en cas de dépistage salivaire positif aux substances illicites (cannabis, cocaïne, amphétamines…), le prélèvement sanguin sera remplacé par un deuxième prélèvement salivaire.

    Plus simple pour la police

    Par ce décret, les autorités ont accédé à une demande formulée par les services de l’ordre. En effet, avant ce texte, dont les modalités doivent être précisées d’ici la fin de l’année par des arrêtés, les conducteurs testés positifs devaient se rendre immédiatement dans un centre médical afin d’effectuer un prélèvement sanguin, accompagnés des policiers.

    Une démarche chronophage et quelque peu compliquée, notamment si l’interpellation survient en pleine nuit sur une route de campagne. Sauf que jusqu’ici, les tests salivaires n’étaient pas assez fiables pour ne s’en tenir qu’à eux. Depuis quelques années et l’amélioration des techniques biologiques, des expérimentations ont été menées à travers la France avec des dispositifs perfectionnés, aboutissant à des résultats satisfaisants. Du coup, les autorités ont franchi le pas, même si cela pose plusieurs questions.

    Rôle des tests sanguins

    A commencer par la fiabilité de la procédure. Même si les tests sont sûrs, le recours aux prélèvements sanguins n’était-il pas censé crédibiliser les résultats ? « En fait, il y a une confusion à ce sujet », explique le psychiatre Jean-Michel Delile, directeur général du CEID (Comité d'Etude et d'Information sur la Drogue).

    « Le THC (tetrahydrocannabinol, principe actif du cannabis) est une substance qui fonctionne de manière complexe. Il est liposoluble : il est attiré par les corps gras, se fixe sur les cellules graisseuses, notamment celles du cerveau. Juste après avoir tiré sur un joint, on constate un pic sanguin chez le consommateur, mais quelques minutes après, la teneur diminue fortement dans le sang pour augmenter au niveau cérébral ».

    En fait, un consommateur qui vient de fumer aura des concentrations très faibles de THC dans le sang. Contrairement à l’alcool, il n’existe pas de relation proportionnelle entre la teneur sanguine et les effets secondaires que l’on connaît – altération des capacités cognitives et de la réactivité.

    « On reçoit des personnes qui sont étonnées d’avoir été arrêtées, alors qu’elles présentaient des taux très faibles de THC dans le sang… Mais en fait, les prélèvements sanguins ne renseignent pas sur l’intensité de la consommation. Seuls, ils ne permettent pas de caractériser l’imputabilité du cannabis dans un accident, par exemple ». Ces tests avaient surtout vocation à confirmer la présence de la substance dans l’organisme, lorsque les tests salivaires pouvaient donner lieu à des faux positifs.
     

    Un risque de stigmatisation ?

    Ce qui ne semble plus être le cas. Toutefois, une autre question émerge, alors que l’on sait que ces tests salivaires sont capables de détecter une consommation qui remonte à plus de 12 heures… Le risque de sur-sanctionner et de stigmatiser des consommateurs sobres sur la route se dessine.

    « Pas vraiment, objecte Jean-Michel Delile. Justement à cause de cette fixation cérébrale, l’effet du cannabis est beaucoup plus durable que celui de l’alcool, y compris pour des petites consommations. En termes d’altération cognitive et de réactivité, les études psycho-comportementales montrent qu’il existe des effets, même sept heures après la prise ». Et ce, même si le consommateur ne se sent pas « défoncé »…

    Au final, cette nouvelle procédure aura au moins le mérite d’attirer l’attention des usagers sur les risques qu’ils prennent sur la route, alors qu’ils pensent être en conformité avec la loi. En effet, la législation permet désormais de réaliser des contrôles « a priori » de conducteurs – à savoir, sans aucune raison de soupçonner une consommation. D’où la nécessité d’être bien avisé.

    « Pour l’alcool, cette approche a vraiment permis d’obtenir des résultats positifs, souligne Jean-Michel Delile. Les usagers de cannabis ne sont pas des marginaux ! Je vois des travailleurs qui réalisent l’ampleur des risques qu’ils prennent, notamment pour les fonctionnaires, s’ils se font coincer lors d’un contrôle routier. Du coup, certains veulent arrêter pour cette raison. Vu sous cet angle, donc, cette évolution du dépistage routier peut être une bonne manière de mobiliser les consommateurs ». A condition, en effet, que les textes ne servent pas la cause du tout-répressif, mais ne visent qu’à limiter les accidents de la route liés aux stupéfiants, et à responsabiliser les populations.

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    JDF