Lettre ouverte à la ministre de la Santé

Des experts de la santé s'opposent à l'assurance maladie conditionnelle

L'Assurance maladie voulait conditionner le remboursement du traitement contre l'apnée du sommeil à sa bonne observance. Plusieurs personnalités dénoncent cette punition.

  • Par Julien Prioux
  • VILLARD/SIPA
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  • 11 Mar 2014
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    C'était une petite révolution dans le système de santé français. Pour la première fois en France, un traitement n’était remboursé que si le malade l’utilisait et à bon escient. En clair, le malade n’était pris en charge financièrement que s’il était observant. Ce changement des conditions de remboursement avait eu lieu dans le traitement de l’apnée du sommeil. Ainsi, depuis octobre 2013, toutes les personnes qui disposaient d’un appareil de pression positive continue (PPC), n'étaient remboursées que si elles l’utilisaient au moins trois heures par nuit durant au moins 20 jours par mois.
    Le 15 février 2014, le Conseil d’Etat décidait de suspendre en référé l’exécution de cet arrêté du 22 octobre 2013 pris par Marisol Touraine. L’institution expliquait avoir « un doute sérieux » sur la compétence du gouvernement pour mettre en place un tel mécanisme. C'est dans ce contexte que le think tank « Coopération Patients » a écrit ce mardi une lettre ouverte à la ministre de la Santé pour dénoncer ce projet de création d'une « asssurance maladie conditionnelle ».

    Alourdir les sanctions accentuerait les inégalités sociales
    Le texte dont il est question a été co-signé par Christian Saout, ancien président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) et Gérard Raymond (Association française des diabétiques). Mais aussi 15 personnalités (1) reconnues du monde de la santé. Dans le contenu, il s’oppose vigoureusement à une politique de santé fondée sur le « surveiller et punir » (en référence à l'ouvrage "Naissance de la prison, Surveiller et punir" du philosophe Michel Foucault).

    A ce titre, le think tank admet que 50 % des 15 millions de malades chroniques, qui ont recours à au moins médicament, ne parviennent pas à suivre strictement leur traitement. Néanmoins, ses membres estiment qu'ils ne sont « ni suicidaires », ni de « dangereux incendiaires », pour les dépenses de santé.
    Pour cette raison, il estime qu'alourdir la sanction ne ferait qu’aggraver les inégalités sociales. « En santé publique, il est prouvé depuis longtemps que la punition n’est pas le moteur "motivationnel" le plus efficace pour prendre soin de soi et vivre en responsabilité vis-à-vis de la collectivité ».

    Accompagner le patient plutôt que le punir
    Surtout que pour ces collectif, des alternatives à la punition existent. Parmi elles, l’accompagnement et l’éducation thérapeutique. Christian Saout et Gérard Raymond demandent ainsi le renforcement des programmes qui ont commencé à se mettre en place depuis 2009, pour un budget de 80 millions d’euros par an (soit environ 0,1 % des 65 milliards d’euros alloués aux affections longue durée).
    Il cite l'exemple du programme « Sophia » dans lequel l'Assurance maladie offre un accompagnement aux diabétiques, pour les aider à mieux vivre et prévenir les complications. Après une expérimentation dans 19 départements, le service Sophia a été étendu à l’ensemble du territoire français début 2013. Et le bilan dressé, moins d’un an après cette généralisation, est positif. Aujourd’hui, plus de 460 000 personnes diabétiques en France en bénéficient. Sur les 1,9 million de personnes concernées, près d’1 sur 4 a donc choisi d'y adhérer. Avec en plus une amélioration de l'état des patients diabétiques sur la quasi-totalité des indicateurs de la maladie. 

    En outre, ces signataires suggèrent que la prochaine loi de santé qui devrait être présentée au premier trimestre 2014, ou la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et l’assurance maladie, intègrent une programmation nationale (décidée en partenariat avec les patients) pour valider des modèles d’accompagnement des patients respectueux de l'éthique du soin.
    Enfin, d'après le Quotidien du médecin, Coopération Santé aurait saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour qu’il se prononce sur les enjeux du recours à « l’assurance maladie conditionnelle ».

    (1) Pr Philippe Amiel, Olga et Christian Baudelot, Régis Bresson, Marina Carrère d'Encausse, Michel Cymes, Pr Bernard Cassou, Catherine Gilet, Dr Serge Hefez, Pr Emmanuel Hirsch, Pr Michel Morin, Pr Joël Ménard, Claude Rambaud, Dr Brigitte Sandrin, Michel Simon, Bruno Spire, Catherine Tourette-Turgis.

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    JDF