Microbiote

Certaines de nos bactéries intestinales ont plus de 15 millions d’années

Deux familles de bactéries intestinales sont communes au singe et à l'être l'humain. Elles existaient déjà il y a 15 millions d'années, alors que les deux espèces n'en formaient qu'une.

  • Par Audrey Vaugrente
  • Kagenmi/epictura
  • 25 Jul 2016
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    Nous citons souvent les singes comme nos ancêtres… à raison. L’Homme partage avec eux des bactéries vieilles de plusieurs millions d’années. C’est ce que vient de montrer une équipe internationale qui publie ses conclusions dans la revue Science. Pour y parvenir, elle a analysé les échantillons fécaux de chimpanzés, gorilles et autres bonobos. Puis elle les a comparés à ceux de 16 personnes vivant de la Connecticut, aux Etats-Unis.

    La dérive des continents

    3 familles de bactéries, qui représentent 20 % de celles vivant dans les intestins, ont été examinées : Bacteroidaceae, Bifidobacteriaceae, et Lachnospiraceae. Les chercheurs ont observé dans quelle mesure elles variaient. En affinant les analyses, ils sont parvenus à retracer leur évolution. Et ils concluent que la plupart des bactéries de notre microbiote remontent à quelques 15 millions d’années, avant même que l’être humain ne se développe.

    De cette période, nous avons progressivement évolué vers l’homme moderne. Sur les trois familles bactériennes, deux ont évolué parallèlement chez le singe et nos ancêtres. Elles ont fini par se spécialiser en fonction de l’espèce. Seule Lachnospiraceae ne présente pas cette évolution.

    « En un sens, la spéciation de l’hôte s’apparente à la dérive des continents, illustre Andrew Moeller, co-auteur de l’étude. Quand deux continents se séparent, tout le reste commence à diverger. » Le phénomène serait similaire dans le cas des bactéries : plus les hôtes se différencient, plus le microbiote change.

    La troisième famille de bactéries, Lachnospiraceae, présente une évolution plus complexe. A quatre reprises, elle a été transférée à des hôtes, d’espèces différentes. Les chercheurs supposent que sa capacité à former des spores et à survivre hors d’un organisme facilite cette transmission inter-espèce.

    Système immunitaire, humeur…

    Ces observations débouchent d’une analyse des couches les plus subtiles de l’ADN. A partir des échantillons fécaux, il est possible d’isoler des sous-groupes. L’un d’entre eux, l’ARN ribosomique 16S, évolue très lentement. Ici, l’équipe s’est concentrée sur l’ADN gyrase B, qui change plus rapidement. Elle a mis en évidence une « ligne héréditaire restée intacte », selon les mots d’Andrew Moeller.

    Au-delà de l’intérêt scientifique, voire historique, de cette découverte, la compréhension du microbiote avance elle aussi d’un pas. Ces travaux confirment que les bactéries intestinales sont influencées par l’alimentation, les traitements médicaux ou la géographie… mais aussi par notre évolution historique. Or, le microbiote est utile à la bonne santé des intestins, mais a un rôle bien plus large, avec un impact sur le système immunitaire, l’humeur ou le comportement.

    Les chercheurs ne comptent pas s’arrêter là : ils ont pour ambition de remonter encore plus loin dans l’évolution des mammifères et retrouver un ancêtre commun à toutes les espèces. « Nous possédons maintenant des échantillons issus des principaux groupes de mammifères. Nous nous attelons à retracer l’évolution du microbiote jusqu’à l’époque où nous étions de petites créatures carnivores, il y a 100 millions d’années », explique Andrew Moeller.

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    JDF