Prise en charge

Grands prématurés : comment la France peut rattraper son retard

Les grands prématurés ne bénéficient pas suffisamment des pratiques médicales efficaces pour améliorer leur survie. Le retard français est à nouveau pointé du doigt.

  • Par Anne-Laure Lebrun
  • Ondrooo/epictura
  • 06 Jul 2016
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    Chaque année en France, plus de 60 000 bébés naissent avant terme. Près de 10 000 d’entre eux sont des grands prématurés nés avant la 32e semaine d’aménorrhée. Arrivés trop tôt, ces nouveau-nés sont particulièrement fragiles et ont besoin de bénéficier de soins adaptés. Or, le projet européen EPICE, coordonné par l’Inserm, met en évidence la sous-utilisation de 4 pratiques médicales recommandées pour améliorer leur survie et leur santé à long terme. Ces conclusions sont présentées ce mercredi dans le British Medical Journal.

    Le projet européen EPICE réunit 19 régions de 11 pays européens (1) dont la France, et évalue les pratiques de prise en charge des grands prématurés. Le projet a commencé en 2011 et suivra durant plusieurs années plus de 6 000 enfants nés entre 2011 et 2012 afin de comprendre ce qui favorise leur bon développement.

    Source : Projet Epice coordonné par l'Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique EPOPé


    Quatre pratiques qui font consensus

    « Des études précédentes ont montré de grandes différences de mortalité entre les pays européens ainsi qu’une grande variabilité des pratiques médicales, explique à Pourquoidocteur Jennifer Zeitlin, directrice de recherche Inserm (2) et responsable des travaux. Nous voulions évaluer plus en détail l’utilisation de ces interventions que l’on sait efficaces pour réduire la mortalité des grands prématurés. »

    L’équipe EPOPé s’est alors concentrée sur l’impact de 4 pratiques médicales recommandées par tous les pays participant au projet : la prise en charge des femmes enceintes dans des centres spécialisés (maternité de niveau III), l’administration prénatale de corticostéroïdes (pour la maturation des poumons), la prévention de l’hypothermie et l’administration de surfactant ou la ventilation nasale pour faciliter la respiration.

    Les résultats de l’étude montrent qu’individuellement, ces pratiques sont très utilisées, puisqu’entre 75 et 89 % des grands prématurés ont bénéficié d’au moins l’une d’elles. Mais quand il s’agit de les appliquer ensemble, des défauts de prise en charge apparaissent. Seulement 58 % des grands prématurés européens ont bénéficié de la totalité des interventions.

    (1) Belgique, Danemark, Estonie, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni et Suède

    (2) Unité Inserm 1153, Centre de Recherche Epidémiologie et Statistique

    Le retard français

    La région de Hesse en Allemagne ou des East Midlands au Royaume Uni font mieux que les autres, avec plus de 70 % des enfants ayant reçu les soins recommandés. Une proportion loin d’être atteinte par la France. « Trois régions participent au projet Epice : la Bourgogne, le Nord-Pas-de-Calais, et l’Ile-de-France. Dans ces deux dernières régions, moins de la moitié des grands prématurés ont reçu ces 4 pratiques », indique la chercheuse.

    Jennifer Zeitlin y voit plusieurs raisons. « On sait depuis longtemps que la corticothérapie anténatale est moins fréquemment utilisée en France que dans d’autres pays européens, ce qui est sûrement lié aux prises en charge peu actives de l’extrême prématurité dans le pays », suggère-t-elle, ajoutant que l’organisation des soins, notamment la répartition territoriale des maternités de niveau 3, influence également ces défauts de prise en charge.

    Un avis partagé par le Pr Oliver Claris, chef de service de néonatologie et réanimation néonatale à l’Hôpital Femme-Mère-Enfant du CHU de Lyon. Pour le spécialiste, cette sous-utilisation de la corticothérapie anténatale est liée à des positions théoriques de ses confrères qui préfèrent ne pas réanimer des enfants jugés trop fragiles. « Mais je pense que si vous décidez de prendre en charge activement un enfant, il faut lui donner toutes ces chances. Il faut donc faire la corticothérapie anténatale, il faut qu’il aille dans une maternité de niveau III. On ne fait pas de demi-mesure », affirme le médecin.

    Ecoutez...
    Olivier Claris, chef de service de néonatologie et réanimation néonatale au CHU de Lyon : « Le transfert en maternité de niveau III est de règle depuis des années, mais il n'est pas optimal, car beaucoup de services sont saturés. »

    Si chaque enfant avait reçu l’ensemble des interventions, la mortalité aurait diminué de 18 %, révèle le projet EPICE. « Cet indicateur de 4 pratiques pourrait permettre aux hôpitaux d’identifier les difficultés qu’ils rencontrent et d'y remédier. Le message est que tous les pays peuvent faire des efforts et améliorer la situation, même si des inégalités régionales existent », conclue Jennifer Zeitlin.



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    JDF