Pharmacovigilance

Afrique : trop de médicaments dangereux restent sur le marché

Sur le continent africain un grand nombre de médicaments retirés du marché dans d'autres pays restent longtemps accessibles. Une absence de régulation est en cause.

  • Par Léa Surugue
  • GILE MICHEL/SIPA
  • 10 Fév 2016
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    Le continent africain est souvent associé au trafic de faux médicaments. Mais un autre fléau, tout aussi grave, toucherait une grande majorité des pays de la région.

    Des médicaments retirés du marché dans d’autres pays, en raison de leur dangerosité pour la santé humaine, y seraient très nombreux à rester en vente ou seraient bien plus longtemps accessibles. C’est du moins ce que conclut une étude, publiée dans la revue BMC Medecine.

    Des décès dans 25 % des cas

    Les chercheurs, de l’université d’Oxford, en Grande-Bretagne, ont passé en revue des dizaines de bases de données, de celles l’Organisation Mondiale de la Santé à celles de la FDA américaine, en passant par celles des autorités sanitaires de différents pays.

    L’objectif était de déterminer quels médicaments avaient été retirés sur différents marchés, et pourquoi. Il s’agit là de la plus grande revue de littérature scientifique sur le sujet.

    En tout, les chercheurs ont identifié 462 médicaments très divers, ayant été retirés dans un pays ou plusieurs, entre 1953 et 2013. Dans plus de 30 % des cas, le retrait était intervenu après obtention de preuves d’une hépatotoxicité (dommages au foie), ou de réactions immunitaires.

    Dans d’autres cas, les médicaments avaient été enlevés du marché car ils présentaient des signes de cardiotoxicité, de neurotoxicitié ou encore engendraient une dépendance chez les patients. Dans 25 % des cas, un décès avait été associé à ces produits.

    Moins de retraits en Afrique

    Malgré ces effets néfastes, tous les pays n’ont pas pris les mêmes mesures. Seuls 9,3 % des médicaments ont ainsi été retirés partout dans le monde. Les chercheurs se sont donc intéressés aux différences entre les différentes régions du monde. Pour chaque grandes « zones », ils ont regardé combien de médicaments avaient été retirés, dans combien de pays, et ont ramenés ce nombre de retraits à la population totale.

    Sur le continent africain, le taux de retrait (rapport entre le nombre de médicaments retirés et la population) est significativement plus bas que dans les autres régions. Il est de 0,06 en Afrique contre 0,42 en Europe par exemple. La durée médiane entre la première réaction au médicament enregistrée et le retrait est de six ans, mais elle était généralement plus longue dans ces pays.

    D’après les chercheurs, la raison de ces retards, et de cette permanence de médicaments toxiques sur le marché est simple. Elle tient à une mauvaise régulation et à une absence de transparence des systèmes de surveillance sanitaires et de pharmacovigilance, dans de nombreux pays africains.

    D’ailleurs, selon les données de l’OMS, seul 4 % des nations africaines ont un système modérément développé de pharmacovigilance, et 39 % n’ont aucun système régulateur. Interrogé par la BBC, le Dr Igho Onakpoya, auteur principal de l’étude, appelle donc à des réformes urgentes.

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    JDF