Enquête d'Associated Press

Jeux Olympiques 2016 : les eaux de Rio dangereuses pour la santé des athlètes

Les plages de Rio de Janeiro font rêver, mais elles sont très polluées. Certains futurs sites olympiques dépassent de très loin les seuils de risque en vigueur dans d'autres pays.

  • Par Audrey Vaugrente
  • La plage polluée de Copacabana (Leo Correa/AP/SIPA)
  • 31 Jul 2015
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    Rio, ses plages de sable fin, ses eaux bleues… et souillées. En prévision des Jeux Olympiques d’été 2016, à Rio de Janeiro (Brésil), les autorités s’étaient engagées à améliorer la qualité des eaux. L’agence Associated Press a mené l’enquête sur les différents sites de compétition. Les promesses n’ont visiblement pas été tenues, d’après les résultats de l’analyse indépendante : les niveaux de virus et de bactéries sont si élevés qu’ils représentent un danger pour la santé des athlètes.

    Des matières fécales dans l'eau

    Deux journalistes de l’Associated Press ont prélevé les eaux des quatre sites de compétition. Ils ont ensuite présenté les résultats à plusieurs experts. Si le Comité International Olympique (CIO) ne teste que les bactéries, les spécialistes ont aussi examiné différents virus : adénovirus humains, entérovirus, rotavirus… et même les coliformes fécaux, des bactéries naturellement présentes dans les intestins et qui peuvent signaler la présence de choléra, dysenterie, hépatite A et typhoïde.

    Les eaux de Rio de Janeiro sont contaminées de manière chronique, tranchent les journalistes de l’AP. Dans 75 % des échantillons, le niveau de coliformes fécaux dépasse le seuil autorisé. Sur la plage d’Ipanema, la concentration dépasse même de 3 fois cette limite. Côté virus, l’alerte est aussi forte : les niveaux sont jusqu’à 1,7 million de fois plus élevés que la limite en vigueur sur une plage californienne.

    « Tout le monde court un risque »

    « Ce que vous trouvez là, ce sont ni plus ni moins des eaux usées. C’est toute l’eau des toilettes, des douches, et tout ce que les gens mettent à l’évier, illustre le biologiste marin John Griffith. Le tout est mélangé et envoyé dans les eaux de la plage. »

    Le lac Rodrigo de Freitas ne fait guère mieux : le site olympique a beau avoir été nettoyé, il reste l’un des plus pollués. Au plus faible, ses eaux contiennent 14 millions d’adénovirus. Au plus fort, 1,7 milliard. Pour l’hépatologue Carlos Terra, interrogé par l’AP, la conclusion est très simple : « Tout le monde court le risque d’être infecté dans ces eaux polluées. » Ces adénovirus actifs peuvent provoquer des maladies respiratoires ou digestives. Mais les plus fragiles risquent aussi de développer des troubles respiratoires ou cérébraux. Et ces virus, même la célébrissime plage de Copacabana les abrite.

    Une seule usine d'épuration construite

    Pas moins de 10 000 athlètes vont s’affronter dans les eaux, que ce soit en natation ou en navigation. Mais avec 3 cuillères à café d’eau, 99 % d’entre eux risquent une infection, d’après les calculs des experts. « Si je devais aller aux JO, j’irais probablement en avance et je m’exposerais pour habituer mon système immunitaire à ces virus avant d’entrer en compétition, parce que je ne vois pas comment ils comptent résoudre ce problème d’eaux usées », anticipe John Griffith.

    Certains n’ont pas attendu ce conseil pour se rendre sur place. Ils ont mis en place des mesures de précaution : se laver le visage à l’eau en bouteille à chaque contact avec les vagues, douche d’une minute à chaque retour à la terre. Cela ne les a pas empêchés de développer des symptômes digestifs à plusieurs reprises.

    Au Brésil, la pollution de l’eau est un problème courant : la majorité des eaux usées ne sont pas traitées et rejetées directement dans les rivières qui alimentent les différents sites olympiques. Ce problème, Rio en était bien conscient en soumettant sa candidature. Dans sa « profession de foi », la ville s’est engagée à mettre à niveau le système d’épuration avec un plan de 4 milliards de dollars. Sur les 8 structures promises, une seule a été construite. « Les autorités brésiliennes ont promis la Lune dans le but de remporter les Jeux Olympiques, et comme d’habitude, elles ne les tiennent pas. Je suis déçu, mais pas surpris », conclut le biologiste Mario Moscatelli.

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    JDF