Avis du Conseil National du Sida

Sida : les mineurs ont le droit au respect du secret médical

Dans un avis, le Conseil National du Sida demande la garantie effective du droit au secret des mineurs séropositifs. Un dispositif prévu par la loi mais méconnu par de nombreux patients et médecins.

  • Par Bruno Martrette
  • ISOPIX/SIPA
  • 05 Fév 2015
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    Quand le médecin trahit son patient. Dans un communiqué de presse publié ce mardi, le Conseil National du Sida (CNS) indique avoir été alerté par le comité de coordination de la lutte contre le VIH (COREVIH) Languedoc-Roussillon (1) sur la situation d’une personne mineure séropositive qui a demandé à son médecin de garder le secret sur son état de santé, conformément à la loi. Le praticien n'a cependant pas pu respceter le secret à cause de la prise en charge financière du traitement par la Sécurité sociale.
    La caisse primaire d’assurance maladie concernée a, en effet, indiqué être dans l’impossibilité d’assurer l’anonymat, pour une affection de longue durée, à un ayant droit mineur rattaché à la couverture sociale de ses parents.
    Dans ce contexte, le CNS vient de rendre un nouvel avis sur le sujet. Il demande la garantie effective du droit au secret des mineurs séropositifs.

    Des situations gérées au cas par cas
    Pour commencer, le Conseil rappelle que par dérogation au principe de l’autorité parentale et pour un nombre limité d’actes médicaux, le législateur a introduit un droit au secret ou à l’anonymat au bénéfice des personnes mineures, sans référence à un âge civil. C'est le cas par exemple pour la prescription, délivrance et administration de contraceptifs ; le dépistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST) ; et pour les interruptions volontaires de grossesse (IVG).

    Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a introduit une dérogation, de portée plus générale, au principe de l’autorité parentale. « L’objectif est d’apporter une réponse à certaines situations rares mais qui peuvent entraîner des difficultés graves dans la prise en charge des adolescents », précise le CNS.

    Face à ces textes très clairs, comment se positionnent les médecins ? Pour le Dr Gilles Lazimi, généraliste à Romainville (93), ces situations se gèrent au cas par cas.  « En fonction de sa compréhension des évènements, de son désir et de son âge, un mineur a le droit de garder le secret sur son affection, explique-t-il. Comme tous les patients, les enfants ont besoin d'un temps pour s'approprier la maladie et en parler avec leurs parents. Il y a aussi des jeunes qui sont en totale capacité de comprendre mais qui n'ont tout simplement pas envie d'en parler à leurs proches. Cela pour plusieurs raisons. »

    Ecoutez le Dr Gilles Lazimi, médecin-chef au centre de santé de Romainville : « En cas de séropositivité, on peut comprendre que c'est très chargé car c'est en lien avec la sexualité... Parfois les parents ne sont pas du tout aidants. »


    A partir de 13 ans
    Mais pour ce membre du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) il y a tout de même un âge minimum à respecter. « Je pense que l'âge de la compréhension est 13 ans. Si l'on devait fixer un âge, 13 ans serait le bon moment pour commencer à pouvoir communiquer avec l'enfant et qu'il puisse en toute connaissance de cause faire son choix. »

    Il précise toutefois que les médecins font le maximum pour que le mineur en parle à ses parents, ou à une personne majeure qui pourra l'accompagner dans ses démarches et son suivi de la maladie. Mais lorsque le dialogue entre les deux parties est impossible, d'autres alternatives s'ouvrent à l'enfant malade qui souhaite garder l'anonymat.

    Le Planning familial garantit l'anonymat
    Tout dabord, le mineur peut se rendre dans les centres de planning familial. Ils prennent en charge de façon anonyme les médicaments, les traitements et les consultations des mineurs malades, ou des jeunes filles désireuses d'avorter. Et pour veiller à ce que les patients soient bien observants à leur traitement, Danielle Gaudry, responsable de la commission avortement du Planning familial, explique que les médecins dans ces centres mettent en place des « consultations de suivi de la pathologie. »

    En cas d'absence d'un planning familial près de son domicile, le mineur peut aussi demander à son généraliste d'appeler le médecin conseil compétent de l'assurance maladie. Ce dernier prendra alors l'initiative de créer un dossier à son nom pour garantir le secret de sa prise en charge. Autre option possible, le médecin traitant peut demander à la Sécurité sociale  que son patient soit placé sous un régime anonymisé d'affection de longue durée (ALD). Un choix simple car, pour ces patients, les généralistes mettent souvent en place (de leur propre initiative) le tiers payant (dispense d'avance des frais).
    Enfin, les patients séropostifs mineurs doivent avoir une consultation hospitalière car elle est obligatoire. Cette prise en charge à l'hôpital a en plus le mérite d'être plus facilement anonymisée.

    Ecoutez Danielle Gaudry, responsable de la commission avortement du Planning familial : « Au Planning familial, on n'utilise pas la carte vitale des parents. On ne passe pas par le circuit habituel des remboursements. La facture arrive chez nous. »


    Des failles au système, notamment en ville 
    Un système parfait donc ? « Pas du tout, il y a des failles », révèle le Dr Gilles Lazimi. Selon lui, « un enfant devrait être en mesure de recevoir des soins sans être sur la carte de sécurité sociale de ses parents. »
    Une solution qui est aujourd'hui possible en France mais à partir de 16 ans, âge auquel l'adolescent a le droit d'avoir sa propre carte vitale. Dans ce cas, ce médecin souhaiterait qu'il n'y est aucune communication des examens ou des consultations sur les relevés de Sécurité sociale « car les parents peuvent y avoir accès lorsqu'ils ramassent le courrier postal. Une façon de plus de garantir l'anonymat », estime-t-il. 

    De son côté, Danielle Gaudry estime qu'il faudrait faire davantage de formation auprès des professionnels « pour avant tout leur rappeler la loi et le dispositif de prise en charge anonyme. Comme pour l'avortement, les médecins devraient avoir à leur disposition une codification particulière sur les feuilles de soins pour l'anonymat de ces mineurs. Ainsi, ils pourraient les recevoir de façon anonyme, avec une consultation en tiers payant sans que cela ne pose problème à personne. »

    Ecoutez le Dr Gilles Lazimi : « Il y a des failles. Pour la contraception en pharmacie, le mineur doit présenter la carte vitale de ses parents pour être pris en charge. »


    20 cas problématiques sur des mineurs rapportés

    Et selon elle, il y a urgence à s'emparer de cette question : « L’exposition au risque de transmission du VIH est plus fréquente chez les jeunes que dans les autres classes d’âge », rappelle-t-elle. En France, près de 550 mineurs ont ainsi été diagnostiqués positifs au VIH entre 2003 et 2013, hors transmission de la mère à l'enfant.  La prévalence des IST, facteurs de transmission du VIH, est aussi plus élevée chez les jeunes.

    Pire encore, le CNS révèle dans son avis que, récemment, une vingtaine de situations problématiques lui ont été rapportées à l'occasion de la prescription d'un traitement antirétroviral à titre thérapeutique, ou d'un traitement post exposition (à titre préventif) à des personnes mineures.

    Non respect du secret médical : les peines encourues
    Face à ces jeunes en détresse, des médecins continuent donc de ne pas respecter l'anonymat. Gilles Lazimi souligne : « c'est très dangereux pour un jeune. Je pense que cela brise la relation de confiance entre le médecin et son patient. Elle est pourtant essentielle dans la prise en charge d'une pathologie. » Et pour en dissuader certains, il conclut : « les médecins s'exposent à des plaintes de la part de leurs patients. Pour violation du secret médical ils risquent une peine maximale d'un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. Le juge peut également prononcer l'interdiction d'exercer pour un délai maximal de 5 ans. »

    (1) Courrier du COREVIH Languedoc Roussillon en date du 19 mai 2014.

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