Vie de famille, stress...

Le travail dominical perturbe la famille, pas le rythme biologique

Examinée ce jour en Conseil des ministres, la question du travail dominical agite les experts. Il n'affecterait pas le rythme biologique mais aurait un impact négatif sur la vie sociale.

  • Par Bruno Martrette
  • V. WARTNER/20 MINUTES/SIPA
  • 10 Déc 2014
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    Assouplir la législation sur le travail du dimanche, c'est le pavé dans la mare lancé par le Premier ministre sur le plateau de France 2 dimanche soir. Et pour mettre en place cette mesure qui vise à libérer de la croissance, Manuel Valls est soutenu par Emmanuel Macron. Le ministre de l'Economie présente, en effet, ce mercredi en Conseil des ministre, son projet de loi « Croissance et Activité » censé déverrouiller l'économie française.
    Dans ce texte, l'ex-banquier plaide en premier lieu pour la suppression du caractère obligatoire de l’autorisation municipale. Tous les commerces non alimentaires qui souhaiteront ouvrir cinq dimanches par an pourront donc le faire et le maire ne pourra pas s’y opposer. Le projet de loi introduit également la possibilité pour les commerces d’ouvrir sept dimanches supplémentaires chaque année, avec l’accord de la mairie cette fois-ci.

    Mais suelles sont les conséquences pour la santé ?  pourquoidocteur  a posé la question à plusieurs experts.

    Pas d'effet sur le plan des rythmes biologiques
    La chronobiologiste Claire Leconte, professeur de psychologie à l’Université de Lille 3, confie : «Pour tous ceux qui ont l'habitude de travailler le dimanche, c'est un jour comme un autre du point de vue chronobiologique. »
    Et selon cette experte, le fait d'arrêter le travail pendant deux jours consécutifs entraînerait même chez certains des dérégulations des horloges biologiques qui vont se désynchroniser régulièrement. « Cela est dû au fait qu'on va se lever très tôt toute la semaine. Et dès qu'arrive le week-end, on va se coucher tard et se lever tard. Cela peut être chez certaines personnes une source de stress, voire même de dépression », explique Claire Leconte.

    Ecoutez Claire Leconte, chronobiologiste : « Sur le plan biologique, le meilleur est d'avoir une succession de jours réguliers du point de vue du temps de travail, plutôt que d'avoir des jours denses parfois et vides à d'autres moments. »


    Travailler un peu tous les jours mais pas n'importe comment
    Mais du point de vue « sociétal », travailler un petit peu tous les jours est « assez peu envisageable », estime la chronobiologiste.  Et surtout, elle  avertit : « travailler peu tous les jours ne veut pas dire travailler n'importe comment non plus. » . Le pire pour la santé reste le contrat de travail complètement émietté. « Pour moi, insite-t-elle, cette situation est encore bien pire que le travail le dimanche du point de vue du respect du rythme des personnes. »

    A ce titre, Claire Leconte en profite pour appeler à un plus grand respect de l'organisation familiale « comme c'est le cas dans les pays du Nord de l'Europe où toutes les familles sont regroupées à 17h30 ou 18h, au plus tard. »
    Pour rappel, une étude canadienne a évalué récemment l’impact sur les relations familiales du travail dominical. Et les travailleurs du dimanche sont ceux dont le temps passé avec les enfants pâtit le plus de cette organisation. Il semblerait que les parents ne rattrapent pas le temps perdu les autres jours de la semaine.

    Le repas dominical protège du stress
    Même son de cloche de la part du Dr Patrick Légeron. Ce psychiatre, fondateur du cabinet Stimulus, rappelle que le repos dominical avait justement été instauré « pour refaire des liens avec son environnement social, familial, et amical. » 
    Et il insiste sur l'importance de la récupération « car le stress aujourd'hui est permanent au travail. »

    Pour ce spécialiste de la santé au travail, le repos dominical peut être un moment de récupération face à toutes les tensions de la semaine. « D'après des études, le lien social qui se fait souvent le dimanche est une très bonne protection contre le stress », affirme-t-il.
    La rupture du dimanche avec le monde du travail serait donc importante. 
    Mais cette la problématique doit être rapprochée à celle de l'élimination du stress et à la façon développer des liens en dehors du travail. « Côté conseils, il recommande donc de couper « pourquoi pas le dimanche », mais aussi tous les soirs de la semaine « en évitant par exemple d'envoyer des mails professionnels une fois le bureau quitté. » 

    Ecoutez le Dr Patrick Légeron, psychiatre : « En respectant certains facteurs qui nous protègent du stress, je pense que le travail dominical est moins dangereux »


    Plus de maladies professionnelles et d'absenteisme
    En dehors du risque d'un stress toute la semaine, des études ont aussi été menées pour savoir quels étaient les autres dangers auxquels s'exposait le salarié en travaillant le dimanche. Premier constat : « un risque 40 % supérieur d’accidents sans arrêt de travail est lié à l’absence de 48 h de repos hebdomadaire », soulignait en avril 2013 l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
    Ce risque ne doit normalement pas exister en France puisque la législation sur le travail du dimanche prévoit que le salarié récupère ce jour travaillé à un autre moment de la semaine.
    Et sur ce point, en partiuclier, le Dr Légeron est clair : « le dimanche est un jour socialement différent mais pas physiologiquement. Ce qui est dangereux par contre, c'est le travail de nuit ou en horaire décalé. » Même son de cloche pour Claire Leconte qui indique que le principal pour la récupération est d'avoir 2 jours dans la semaine, peu importe que ce soit le dimanche.
    Autre risque évoqué par les recherches sur le sujet, celui d'une étude publiée en 2007 par l’Agence européenne pour l’amélioration des conditions de travail qui a mis en évidence que dans les entreprises qui ont recours au travail dominical, le risque de maladie professionnelle et d’absentéisme est 1,3 fois plus élevé que dans les entreprises ne le pratiquant pas.
    Enfin, la même Agence avait révélé quelques années plus tôt que les salariés qui travaillent au moins un dimanche par mois souffrent plus fréquemment d’une pathologie professionnelle que les autres : 66,9 % contre 50,4 %.

    Pour rappel, en 2010 en France, 31 % des salariés du secteur privé (17 millions de salariés) travaillaient le dimanche et les jours fériés, même occasionnellement, contre 30 % en 2003.


     

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