Moins de toxicité

Greffe : une piste prometteuse pour éviter le rejet

En combinant deux molécules, des chercheurs de l'Inserm tentent de trouver une nouvelle voie pour éviter le rejet de greffes. L'expérience a été menée sur des souris dans le cadre d'une greffe de peau.

  • Par Léa Drouelle
  • DURAND FLORENCE/SIPA. Greffe du foie avec un donneur vivant
  • 14 Nov 2014
  • A A

    Les découvertes avancent dans le domaine de la greffe. En effet, des chercheurs de l’Inserm ont peut-être trouvé la solution pour greffer des lambeaux de peau sans que cela implique un rejet, grâce à la combinaison de deux molécules déjà autorisées sur le marché. Testée chez la souris, l’expérience a donné des résultats prometteurs, puisque qu’aucun signe de rejet n’a été constaté durant les 30 jours suivant la greffe. Leurs travaux sont publiés dans la revue American Journal of Transplantation.

    Une alternative aux médicaments immunosuppresseurs
    La greffe d’organes est parfois nécessaire à la survie d’un être humain. Mais malheureusement, elle se confronte bien trop souvent à un phénomène de rejet, lorsqu’elle provient d’un donneur. En effet, le système immunitaire est programmé pour détecter la présence d’un « corps étranger » et protéger son  organisme contre cette « invasion ». Pour remédier à ce problème, les médecins administrent des médicaments immunosuppresseurs qui, comme leur nom l’indique, ont pour effet d’abaisser les défenses du système immunitaire et donc de favoriser l’adhésion à la greffe. Mais, là encore, la solution n’est pas idéale puisque les défenses immunitaires s’appauvrissent et par conséquent l’organisme devient vulnérable, et donc plus sujet aux infections. Cela peut notamment entraîner des effets toxiques sur d’autres organes, tels que le rein.


    Dans ce contexte, l'étude des chercheurs de l'Inserm présente un double intérêt : " Notre expérience consiste à la fois à freiner le système immunitaire dans le cadre de la greffe mais à conserver ses défenses pour éviter les infections rénales", explique le Pr Cohen, auteur principal de l'étude.
     

    Une molécule déjà utilisée contre le cancer
    Dans cette étude, les chercheurs de l’Inserm se sont intéressés à une molécule appelée cytokine interleukine (IL-2). Couramment utilisée pour soigner le cancer et le diabète de type 1, ce médicament agit fortement sur les tumeurs et du même coup sollicite activement le système immunitaire. Mais la chercheuse Eliane Piaggio, co-auteur de l’étude, s’est rendue compte que prescrit à petite dose, les conséquences du traitement s’inversent. Ainsi, les défenses immunitaires diminuent.

    Restait donc à trouver une solution pour éviter les infections. C’est là que l’équipe du Pr José Cohen et du Pr Philippe Grimpert intervient. En effet, en associant l’IL-2 à la rapamycine, une molécule immunosupressive déjà utilisée pour les greffes qui permet de figer l’action des différentes cellules du système immunitaire, les chercheurs sont parvenus à éviter le rejet tout en évitant l'apparition d'autres infections. " Les immunosuppresseurs classiques  possèdent de fortes toxicités, notamment pour les reins. Ce qui n'est pas le cas du IL-2 et de la rapamycine, lorsqu'ils sont combinés", souligne le Pr Cohen. 

    « La greffe de peau chez la souris est le modèle expérimental le plus difficile à contrôler », explique le Pr Cohen. Une bonne chose selon le chercheur. « Comme le dit le proverbe, qui peut plus peut le moins. Et dans notre expérience, les souris ne montrent aucun signe de rejet. Ce qui est très encourageant quand on sait que qu’habituellement ce rejet intervient dans les 10 jours », se réjouit ce dernier.

    Des essais cliniques seront prochainement menés chez des porcs. « Si les résultats s’avèrent positifs, la prochaine étape sera de tester cette approche thérapeuthique sur les humains », annonce le Pr Cohen qui estime ce délai d’attente à environ un ou deux ans, selon les financements dont son équipe bénéficiera. Si les résultats sur l'humain se révèlent probants, les chercheurs comptent étendre ce traitement thérapeutique à toutes les greffes d'organes.

    Vérifier le processus de cicatrisation
    Certains éléments nécessitent tout de même une vérification en amont. « L'utilisation précoce de la rapamycine peut induire des problèmes de cicatrisation. Nous devons donc déterminer si le fait d'administrer de la rapamycine pendant ou juste après la greffe interfèrera ou non avec le processus de cicatrisation, » tempère le Pr Cohen. Cette combinaison de molécules est actuellement testée sur la greffe de la moelle osseuse dans le cadre de deux essais cliniques réalisés parallèlement à l'étude des chercheurs de l'Inserm.

    Selon la Fédération des Associations pour les dons d’organe et de tissus humains, plus de 5000 greffes ont été réalisées en France en 2013 (rein, poumon, foie, pancréas, cœur, intestin).



    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF