Stéréotypes de genre

Les différences entre hommes et femmes existent aussi dans le secteur de la santé

Les inégalités de genre restent encore fortement ancrées au sein de nos sociétés, y compris dans le domaine de la santé. Pour certaines maladies, les diagnostics différent selon les sexes. 

  • Par Chloé Savellon
  • Mykyta Dolmatov /iStock
  • 30 Sep 2018
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    Sur le plan biologique, la femme et l'homme ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, si l'ADN de deux hommes ou de deux femmes s'avère identique à 99,9%, l'écart s'élève à 98,2% lorsqu'il s'agit d'un homme et d'une femme, soit le même ordre de grandeur qu’entre un humain et un chimpanzé, expliquait le Pr Claudine Julien à Pourquoi Docteur en 2017. 

    Ces différences génétiques induisent des différences entre les deux sexes. Les femmes résistent par exemple généralement mieux aux vaccins, mais sont sept fois plus susceptibles de développer de l'hypothyroïdie, une maladie auto-immune souvent dûe à un dérèglement neuro-hormonal. 

    La population féminine est également davantage concernée par l'ostéoporose, qui touche 39% des femmes autour de 65 ans et 70% des femmes âgées de 80 ans et plus, selon l’Inserm. Le cancer du pancréas et l'alopécie (perte de cheveux) sont à l'inverse des maladies qui concernent majoritairement les hommes. 


    "Médecine genrée" 

    Mais au-delà des différences biologiques, un autre facteur s'avère déterminant dans les écarts de santé entre les hommes et les femmes : le genre, c'est-à-dire les constructions sociales et culturelles établies dès la naissance en fonction du sexe. 

    "Le sexe et le genre ne sont pas des variables séparées : elles se rejoignent dans un processus d’interaction entre la biologie et l'environnement social qui se développent dès la naissance, voire avant", explique le Comité d'Éthique de l'Inserm dans un article intitulé "Genre et santé". 

    De nombreuses études ont par exemple prouvé que les femmes, éduquées pour être responsables et incitées à la prudence dès leur enfance, se préoccupent davantage de leur santé et mettent généralement moins de temps que les hommes à consulter un médecin. Une différence qui s'explique par l'injonction faite aux hommes de prendre davantage de risques pour asseoir "leur virilité". 


    Infarctus du myocarde : un diagnostic plus tardif chez les femmes 

    Malgré les efforts de la recherche médicale pour combler les inégalités de santé de genre survenues au cours de ces dernières décennies, les diagnostics restent encore fortement influencés par ces constructions sociales genrées.  

    Si un homme souffre d'oppression au niveau de la poitrine et d'une douleur au bras gauche, signes avant-coureur d'un infarctus du myocarde, ils sont la plupart du temps directement orientés vers un cardiologue. Mais si une femme présente des symptômes similaires, elle se verra davantage prescrire un anxiolytique pour "soulager son angoisse". 

    Cette différence de traitement renvoie à l'image de la femme "fragile émotionnellement" et à celle de l'homme actif occupant un poste à responsabilité et fortement exposé au stress dans le cadre de son travail (donc plus susceptible de faire une crise cardiaque).


    La dépression associée à un comportement "à risque" chez l'homme

    À cela s'ajoute la difficulté d'identifier la survenue de la maladie selon le sexe des patients : en effet, l'infarctus du myocarde peut parfois se manifester de manière plus discrète chez les femmes, ce qui conduit à un retard de diagnostic et explique pourquoi la majorité des décès liés à l'infarctus concernent aujourd'hui les femmes, précise l'Inserm. 

    La dépression représente également un bon exemple des diagnostics médicaux genrés. D'un point de vue purement statistique, cette maladie toucherait deux fois plus les femmes que les hommes, selon le Baromètre 2010 de l'Inpes. 

    Ce chiffre est toutefois susceptible de changer dès lors que d'autres critères non classiques de diagnostic entrent en jeu. Chez les hommes, les symptômes dépressifs vont par exemple être associés à de l'agressivité et à un accroissement des comportements dits "à risque" comme la consommation d'alcool, et/ou de drogues ou à une conduite automobile dangereuse. 


    Quelles initiatives pour réduire ces inégalités de genre ? 

    Pendant longtemps, la médecine a réalisé des essais cliniques presque exclusivement sur des hommes. L'article de l'Inserm relate par exemple que des tests pour des maladies gynécologiques étaient autrefois effectués sur des sujets masculins ! 

    La recherche médicale pour réduire les inégalités hommes-femmes en matière de santé a commencé à évoluer dans les années 80, d'abord aux États-Unis, puis en Europe. Depuis 2001, la législation européenne impose de réaliser tous les tests cliniques sur les deux sexes. 

    À partir du début des années 2000, plusieurs organismes de recherche français ont commencé à se saisir de la question, comme l'Institut national d'études démographiques (INED), le CNRS ou l’Inserm.

    L'Organisation Mondiale de la Santé se penche également sur la question depuis le début des années 2000. Sur son site internet, l'institution publie régulièrement des rapports et des recommandations sur les inégalités de genre dans la rubrique "Genre, femmes et santé".

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    JDF