L'après-cancer

Cancer : la sexualité des patients toujours perturbée 5 ans après le diagnostic

Perte de cheveux, cicatrice, ablation d'un sein, diminution de libido... les patients atteints d'un cancer ressentent toujours les séquelles de leur maladie cinq ans après le diagnostic, notamment dans leur sexualité. Comment surpasser les complexes et rétablir un lien ?

  • Par Diane Cacciarella avec Barbara Azaïs
  • jesadaphorn /iStock
  • 20 Jun 2018
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    Plus de 3 millions de personnes en France vivent aujourd’hui avec un cancer ou en ont guéri. Si le taux de mortalité baisse à mesure qu'avance la recherche, les stigmates de la maladie marquent la vie des patients, notamment leur sexualité. L’enquête nationale sur les conditions de vie cinq ans après le diagnostic de cancer (VICAN5)* présentée ce mercredi par l'Institut national du cancer (Inca) et l’Institut national de la recherche et de la santé médicale (Inserm) explique à quel point l'intimité des couples est entachée par le passage de la maladie.


    54% des hommes et 40% des femmes insatisfaits de leur sexualité après un cancer

    "Plus de la moitié des patients rapportent une diminution de la libido, de la fréquence des rapports et de la capacité à avoir un orgasme, explique Lionel Lafay, épidémiologique à l’Inca. Mais que cela n’a pas eu d’impact sur la vie de couple : il y a moins de séparations que dans la population générale". Globalement, 54 % des hommes et 40% des femmes se disent insatisfaits de la fréquence des rapports sexuels cinq ans après le diagnostic d'un cancer dans le couple. A titre comparatif, ils étaient 89% d'hommes et 75% de femmes à l'être deux ans après le diagnostic d'un cancer dans la cavité pelvienne (prostate, vessie, côlon-rectum, col et corps de l’utérus). Pour les autres localisations à la même époque, alors même que le traitement de leur maladie n’induisait pas d’atteinte fonctionnelle de la sphère génitale, ils étaient 65% (hommes et femmes confondus) à déclarer que la maladie avait eu des conséquences négatives sur leur sexualité.

    En cause : des modifications corporelles (ablation du sein, cicatrice, perte ou prise de poids, alopécie...), une fatigue chronique ou encore, des troubles moteurs ou de la vision. "J’ai subi une quadrantectomie du sein, c’est-à-dire un quart du sein enlevé. En plus de l’aspect physique, le sein perd de sa sensibilité avec les traitements", nous expliquait récemment Mina. L’opération coupe effectivement les terminaisons nerveuses, ce qui altère le plaisir, et les traitements n’arrangent rien en diminuant aussi la sensation. 

    Les chirurgies de la prostate et de la vessie peuvent également entraîner des troubles de l’érection, celle du vagin peut provoquer une perte de souplesse ou une diminution de sa lubrification et causer des douleurs lors des rapports. La radiothérapie et la chimiothérapie peuvent également rendre le vagin plus sec et le fragiliser. Peu de femmes osent aborder le sujet avec leur médecin, précisent les chercheurs. Pourtant, insiste Nasrine Callet, gynécologue et oncologue à l'Institut Curie, "la vie sexuelle après la maladie, permet de se reconnecter à la vie, de reprendre les choses telles qu’on les avait laissées". Même si la sexualité est forcément différente après la maladie "parce qu’on a changé", poursuit-elle, "c’est une partie importante de la vie de couple".


    Comment renouer le lien ?

    "Après le diagnostic d’un cancer du sein avancé, il y a souvent et pendant un moment, une indisponibilité psychologique à l’acte sexuel. Il faut réapprendre doucement, avec ou sans son partenaire, à avoir envie", nous expliquait en décembre 2017 Catherine Adler Tal, onco-psychologue et onco-sexologue. Si la patiente est en couple, il est important que chacun respecte le rythme de l’autre. Par exemple, si le partenaire ne veut pas voir la cicatrice de sa femme, ce n’est pas nécessairement parce qu’elle le rebute, mais simplement parce qu’il n’accepte pas la maladie.

    "Il y a tout un éventail de réactions possibles du conjoint face à la maladie, allant du déni à l’infantilisation. Il faut trouver le juste équilibre et rester amant". Dans tous les cas, le plus important est de parler, d’exposer à l’autre ses envies, ses problèmes, ses peurs. "Il faut essayer au maximum de garder des contacts physiques avec son partenaire et apprendre ensemble à apprivoiser les autres zones érogènes du corps".

    *Réalisée en 2015 auprès de 4 179 personnes âgées de 23 à 87 ans auxquelles un cancer avait été diagnostiqué cinq ans plus tôt, cette enquête s’inscrit dans la continuité de l’enquête VICAN2 sur l’état de santé deux ans après un diagnostic de cancer, publiée en 2014 et concerne les survivants des 12 principaux cancers.

     

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    JDF