Une première mondiale

Greffe : il se fait greffer un deuxième visage avec succès après le rejet du premier greffon

Greffé d'un visage entier en 2010, Jérôme Hamon a subi une deuxième greffe de la face en janvier 2018 après le rejet de son premier greffon. Une première mondiale réalisée avec succès à l’hôpital Georges Pompidou, à Paris. 

  • Par Anaïs Col
  • agsandrew /Epictura
  • 17 Avr 2018
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    A 43 ans, Jérôme Hamon est le seul au monde à avoir subi deux greffes de visage entier. Atteint d'une neurofibromatose de type 1, une maladie génétique neuro-cutanée qui déforme l'aspect du visage, il avait reçu une première greffe en 2010. En 2015, un antibiotique qu'il prend pour soigner un rhume s'avère incompatible avec son traitement immunodépresseur. Les premiers signes de rejets apparaissent l'année suivante. Son visage se dégrade, s'atrophie. Les médecins doivent lui enlever, il y a urgence. 

    A l'été 2017, ils finissent par opter pour une nouvelle transplantation. Du jamais vu. "Mon angoisse, c’était de ne pas trouver de donneur compatible", témoigne sur BFMTV le professeur Laurent Lantieri. Et l'enjeu est de taille : les médecins doivent de nouveau prélever le visage d'une personne décédée, bouche, paupières, nez, joues et système lacrymal compris, et le greffer sur Jérôme Hamon. L'enjeu est immense, ce n'est pas facile à trouver.


    Une leçon de courage

    En attendant que l'Agence de la biomédecine signale un donneur compatible , Jérôme Hamon patiente sans visage pendant près de trois mois dans sa chambre d'hôpital en réanimation. Il ne peut ni entendre, ni voir, ni parler. "Une personne qui se retrouve sans visage, et puis dans l’attente d’un hypothétique greffon pour une durée inconnue, c'est quelque chose que personne n’avait jamais vécu ici. Je suis éberlué par le courage du patient qui a pu traverser une épreuve pareille", explique Bernard Cholley, chef de service en anesthésie réanimation cardio-vasculaire. "Toute l'équipe en réanimation a été époustouflée par le courage de Jérôme, sa volonté, sa force de caractère dans une situation tragique. Parce qu'il est alors dans l'attente, et que jamais il ne s'est plaint. Il était même plutôt de bonne humeur".

    Une nouvelle équipe médicale se forme. Jérôme Hamon suit un traitement pour éliminer les anticorps qu’il a développé contre son greffon et une chimiothérapie pour mettre son système immunitaire au repos. Son sang est nettoyé. Le tout assidument encadré par des psychiatres. Il se fait finalement greffer mi-janvier à l’hôpital Georges Pompidou et reste hospitalisé les trois mois suivants. "J'ai 43 ans, le donneur avait 22 ans, donc j'ai rajeuni de 22 ans", confie-t-il aujourd'hui avec humour à BFMTV. Désormais en forme, il espère pouvoir suivre ses traitements de chez lui très bientôt.

    "La première greffe, j'ai accepté immédiatement le greffon. J'ai considéré que c'était un nouveau visage et maintenant c'est pareil", dit aujourd'hui Jérôme Hamon lors d'une rencontre avec la presse. "Si je n'avais pas accepté ce nouveau visage, ça aurait été un drame. Effectivement, c'est une question d'identité. (...) Mais là, c'est bon, c'est moi".

    Le risque de rejet

    Depuis 2005, près d’une quarantaine de greffes du visage, dont certaines complètes, ont été réalisées dans le monde. En dehors des lourdes implications psychologiques et éthiques, il s'agit d'une opération techniquement délicate, mais le risque est surtout lié au phénomène de rejet. Le risque de rejet est très important en raison de la multiplicité des types de tissus humains greffés, en particulier les couches profondes de la peau qui contiennent beaucoup de cellules immunologiques, les lymphocytes, une catégorie de globules blancs qui s'attaquent aux tissus greffés qui sont considérés comme n'appartenant pas au "soi". Ce risque de rejet majoré impose une protocole thérapeutique anti-rejet très lourd qui abaisse les défenses de l'organisme, expose à des infections et des cancers et doit quand même être pris à vie.

    Pourquoi le corps peut-il rejeter un greffon ?

    Le succès de ces interventions doit moins à la dextérité des chirurgiens qu’à une autre découverte – beaucoup plus récente puisqu’elle n’a que 38 ans –, la ciclosporine, le premier médicament anti-rejet. En effet, nous savons tous comment réagit notre organisme contre un corps étranger, par exemple lorsque nous avons une épine sous la peau. La zone devient rouge, dure, et l’épine se trouve rapidement entourée par une zone inflammatoire dont le rôle est de rejeter l’intrus. Et bien nous réagissons aussi violemment contre l’intrusion d’un cœur étranger. Sans traitement anti-rejet, que l’on appelle traitement immunosuppresseur, inévitablement, quelque temps après, tout est à refaire : le corps n’accepte pas un organe étranger et demande à son système immunitaire de défense de le détruire. 

    L'immunosuppression est venue résoudre cet épineux problème en obtenant la suppression du système immunitaire de défense du greffon grâce à des médicaments. La cortisone a été le premier immunosuppresseur identifié dans le début des années 1970 ; insuffisant pour d’autres greffes que celles du rein.

     

    Regardez l'émission L'invité santé de Pourquoidocteur avec le Pr Laurent Lantieri, de l'Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP) à Paris, diffusée le 8 septembre 2016.

     

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    JDF