Souffrances insupportables

Châlon-sur-Saône : le chirurgien continue à opérer un homme de la carotide alors que l'anesthésie ne marche pas

A Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire), un homme de 94 ans a été opéré de la carotide (en raison d'AVC), alors même que le produit anesthésiant injecté pour lui éviter la douleur n'avait pas d'effets. Malgré les cris du patient, le chirurgien a continué à l’opérer et l'anesthésiste n'a pas fait d'anesthésie générale. Un traumatisme.

  • Par Dr Philippe Montereau
  • gpointstudio/epictura
  • 18 Fév 2018
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    Artères carotides presque bouchées par des plaques d’athérome, plusieurs accidents vasculaires cérébraux a minima, mais annonciateur d’un accident grave : Alain, 94 ans, a du se résoudre à se faire opérer. L’opération visant à déboucher une artère carotide, à l’origine des troubles, a été réalisée sous anesthésie locorégionale.

    Une opération « à vif »

    Jusque là rien d’inhabituel. Mais la douleur est devenue rapidement insupportable au cours de l’intervention, traduisant manifestement un échec de l’anesthésie locorégionale.

    Devant ses hurlements répétés et son agitation, une 2ème dose d’anesthésique lui aurait été injectée sans plus de succès, a rapporté le Journal de la Saône-et-Loire, jeudi 15 février. Malgré les souffrances insupportables infligées à Alain, le chirurgien a refusé d’interrompre l’intervention : « J’ai commencé, il faut que je termine ». L'anesthésiste n'a pas non plus fait d'anesthésie générale courte au propofol qui aurait été une autre solution.

    L’opération s’est heureusement bien terminée, mais le malade n’a eu aucune explication et, traumatisé, il préfère mourir que de se faire opérer l’autre artère carotide (qui est également presque bouchée).

    Une opération habituelle

    L’opération d'un rétrécissement, ou sténose de la carotide, consiste à enlever la plaque d'athérome, avec ses débris et ses caillots, qui bouchent presque complètement une ou les 2 artères carotides qui irriguent le cerveau.

    Cette chirurgie s'appelle une endartériectomie carotidienne car l'on enlève uniquement la partie interne de l'artère (intima + une partie de la média). La chirurgie carotidienne est le traitement le plus efficace des sténoses carotidiennes à risque élevé d'AVC ou lorsqu’il y a eu des épisodes mineurs d’AVC.

    Une opération d'environ 2h00

    Le chirurgien interrompt la circulation dans la carotide à l’aide de « clamps » (un clamp est un instrument métallique qui permet de pincer l'artère de façon à empêcher le sang de passer).

    Sous anesthésie locorégionale l'anesthésiste discute avec le patient afin d'être certain que le cerveau reçoit bien le sang par l'autre carotide et par d’autres artères après clampage : il existe en effet des systèmes de substitution, mais le risque est qu'ils soient bouchés. C'est pour cela que l'on préfère que la malade soit conscient.

    Si ce n’est pas le cas, le chirurgien met en place un « shunt » (petit tuyau qui va alimenter le cerveau en sang pendant l'opération). Le chirurgien ouvre alors la carotide et enlève la plaque d'athérome, ainsi que tous les débris, puis il referme minutieusement l'artère à l'aide d'un fil très fin. Dès que l'artère est refermée le chirurgien enlève les clamps pour rétablir la circulation du sang dans la carotide débouchée.

    Une anesthésie générale ou locorégionale

    L'opération de la carotide peut être réalisée sous anesthésie générale ou sous anesthésie locorégionale. L'anesthésie générale consiste à endormir complètement le malade et à le ventiler artificiellement. Chez une personne de 94 ans, qui a forcément d’autres maladies, il est probable que le choix d’une anesthésie locorégionale soit préférable pour limiter les risques opératoires. Plusieurs études ont cependant démontré l’équivalence des 2 techniques avec des malades aussi âgés, voire les risques inférieurs avec l’anesthésie locorégionale.

    En cas d'anesthésie locorégionale, avant l'intervention, un médicament est injecté au patient (prémédication) de façon à lever son anxiété et à lui permettre d'être détendu. L'anesthésie locorégionale consiste à injecter un produit anesthésique au contact de certains nerfs du cou ce qui supprime la douleur à ce niveau. En dehors de cette période de test l'anesthésiste injecte, si nécessaire, des médicaments pour permettre au patient de somnoler.

    Que s’est-il passé ?

    D’une manière générale, l’anesthésie locale ou locorégionale est bien acceptée par les malades. Habituellement, de petites doses de fentanyl suffisent à calmer les patients qui supportent mal le stress de l’intervention.

    Par contre, il arrive parfois que des patients particulièrement angoissés, et sans prémédication sédative, soient dans un état tel que le bloc et l’opération soient impossibles à réaliser. On recourt alors à une sédation avec un médicament, le propofol, qui permet au chirurgien de bien compléter l’anesthésie locorégionale en infiltrant la gaine qui entoure les carotides et qui, étant très serrée, peut limiter la diffusion des produits anesthésiants.

    Rareté des résistances à l’anesthésie

    Les résistances à l’anesthésie locale sont ainsi très rares : moins de 3 pour mille dans une très large série italienne, et dans ce cas, l’anesthésiste lance immédiatement une procédure d’anesthésie générale afin d’éviter toutes souffrance au malade et permettre au chirurgien d’opérer correctement. Cela n'a pas té fait ici, peut-être en raison de contre-indications à l'anesthésie générale.

    L’hôpital de Châlon-sur-Saône a beau se retrancher derrière le secret médical, secret qui n’est d’ailleurs pas opposable au malade, il lui sera nécessaire de bien expliquer pourquoi une anesthésie générale n’a pas pu être réalisé secondairement pour ce malade.

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    JDF