Vivre normalement

L’épilepsie, une maladie pas comme les autres

En France, près de 600 000 personnes seraient affectées par cette maladie, dont la moitié sont des enfants. Aujourd’hui, être épileptique, ce devrait être : pouvoir travailler, faire du sport, se marier, avoir des enfants. En réalité, de nombreux épileptiques se soignent mal, par méconnaissance.

  • Par le Dr Jean-François Lemoine
  • agsandrew/Epictura
  • 09 Fév 2018
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    On parle peu et souvent mal de l’épilepsie. Pourtant, la crise de convulsions est, après le mal de tête, le symptôme le plus fréquent des maladies du cerveau. Car si 600 000 à 800 000 Français, ce qui est imprécis mais déjà énorme, sont considérés comme malades d’épilepsie, il est difficile de connaître le nombre exact de nos compatriotes qui ont souffert une fois, une fois seulement, d’une crise de convulsions.

    Les nourrissons, par exemple, lorsque leur température dépasse 40-41°, ou les adultes, lors d’abus de médicaments, ou tout simplement d’alcool. Ce peut être à cause de l’effet des stroboscopes dans une boîte de nuit. Et, paraît-il, par abus de jeux vidéo. Mais là, il faut minimiser et rassurer les parents après les achats de Noël. En effet, un célèbre constructeur de consoles a fait une étude très sérieuse qui montre moins de 10 cas pour 150 000 utilisateurs.

    Toutefois, c’est certainement plus d’un million de Français qui a eu à souffrir de cette crise extrêmement violente et effrayante pour l’entourage.

    D’ailleurs, pour la plupart des gens, l’épilepsie se résume à la grande crise de convulsions dont le cinéma est si friand.

    La crise n’est pas le signe le plus fréquent

    En fait, la plupart des épileptiques ne souffrent pas ou plus de cette crise spectaculaire. Elle est souvent remplacée par d’autres symptômes, dont le plus fréquent est une absence de conscience de quelques secondes, sans convulsions, qui, quelle que soit sa forme, est toujours imprévisible et soudaine. L’épilepsie mal équilibrée, c’est-à-dire où les crises, quelles qu’elles soient, sont encore présentes, bouleverse l’existence, les projets et l’avenir de ceux qui en souffrent.

    Car il y a encore, même dans notre pays où les soins sont bien pris en charge, de nombreux malades pas ou mal traités. Et ces crises mal contrôlées représentent un fardeau social, médical et psychologique qui se traduit par des taux de dépressions, de suicides et de décès nettement plus élevés que dans la population générale.

    A l’inverse, un bon contrôle par les médicaments ou la chirurgie – et oui, l’épilepsie s’opère, et c’est même une des solutions les plus spectaculaires lorsqu’elle est indiquée – permet d’envisager une vie normale. D’où l’appel lancé par les spécialistes : intervenir tôt, avant que la succession des crises ne fassent apparaître des troubles liés à l’existence de la maladie et non pas de sa gravité.

    La décharge simultanée de centaines de milliers de cellules nerveuses

    La crise correspond tout à fait à une décharge électrique massive. Parfois, on en comprend la raison : il s’agit d’une zone du cerveau endommagée par un traumatisme, une tumeur, une hémorragie ou lorsque l’épilepsie survient chez le tout-petit, par un manque d’oxygène à la naissance. Mais, la plupart du temps, il est impossible de trouver une cause. On évoque alors la possibilité de l’hérédité.

    Et pour certains neurologues, l’épilepsie a une signification précise que l’on doit prendre en compte pour guérir le patient, un écheveau à démêler pour parvenir à exprimer l’inexprimable des convulsions. L’intensité des crises est variable. A côté de la grande crise spectaculaire, il existe des épilepsies partielles qui ne concernent qu’une partie du corps, un membre par exemple, ou une fonction du cerveau : ce sont alors des hallucinations olfactives ou visuelles qui signent la maladie. L’épilepsie peut également se traduire, c’est d’ailleurs souvent là que se fait le diagnostic, par des absences de quelques secondes voire minutes, d’oubli total qui inquiètent l’entourage.

    L’épilepsie, maladie taboue, est également une notion incompréhensible, car il existe des traitements qui vont du médicament à la chirurgie et permettent une raréfaction voire une disparition des crises. En particulier, ces traitements sont très efficaces chez l’enfant.

    Vivre avec une épilepsie

    On le comprendra aisément, ces grandes crises inconscientes peuvent être à l’origine de tous les dangers par la brutalité de leur survenue : mort subite, noyade, chutes, accidents domestiques ou sur la voie publique… Ces morts violentes sont d’autant plus fréquentes que les crises sont nombreuses, c’est-à-dire mal calmées par les médicaments. Et force est de constater une augmentation  par rapport à la population non malade, de ces accidents et décès chez les 600 000 personnes qui souffrent en France d’épilepsie.

    Dans le chapitre des accidents graves, il faut aussi mentionner la mort subite au cours d’une crise : c’est la grande question que tout le monde se pose devant cette grande crise de convulsions que peut être l’épilepsie : y a-t-il un risque vital ? Et bien, selon les dernières études présentées, il semble que oui : les plus touchés, les plus à risque de mort en cours de crise, sont les adultes jeunes qui font leurs crises en l’absence de tout témoin : pour rendre compte de ces morts subites, les spécialistes pensent qu’il se produirait un dysfonctionnement des centres cérébraux qui aboutirait à un arrêt cardiaque et respiratoire. Mais que les épileptiques se rassurent : ces « morts subites inattendues » telles que les étiquettent les médecins ne surviendraient que si la maladie n’est pas correctement prise en charge et mal corrigée par les médicaments.

    Que faire en cas de crise ?

    Tout d’abord, garder son calme, ensuite veiller à ce que le malade ne se blesse pas. L’installer de manière confortable, sur le côté si possible, en desserrant les vêtements qui pourraient le gêner. Ne rien mettre dans sa bouche même s’il risque de se mordre la langue, et surtout, appeler le médecin qui arrivera la plupart du temps… bien après la fin de la crise.

    L’épileptique au volant

    Conduire nécessite un niveau d’attention et de réaction incompatible avec la perte de conscience brutale et imprévisible que l’on rencontre dans la crise d’épilepsie.

    Ces faits sont indiscutables et d’ailleurs non discutés.

    Théoriquement, interdire de conduire à un épileptique, c’est le protéger, lui et les autres, mais les faits divers sont riches d’accidents mortels mettant le mettant en cause.

    La législation française est claire. Tout malade souffrant de cette maladie a le devoir de la déclarer à la commission médicale du permis de conduire. Or, ils ne sont que quelques centaines à l’avoir fait, alors que l’on sait que des milliers d’épileptiques sont en âge de conduire.

    Pour en savoir plus, en particulier sur l’épineux problème des chauffeurs professionnels, le site Epilepsie-France propose un dossier complet.

    L’épilepsie se traite plutôt bien

    Les traitements modernes permettent d’éviter ces complications.

    D’où l’intérêt de voir très régulièrement son neurologue afin de voir si le traitement reste parfaitement efficace, à condition encore une fois de le suivre parfaitement bien.

    Car pour les femmes, il y aurait de bonnes raisons de ne pas le faire : les effets secondaires des médicaments, prise de poids, boutons, pousse exagérée des poils, baisse de la libido, n’incitent pas à le faire. Pourtant, bien suivies, il est possible pour elles de prendre la pilule contraceptive : si certains médicaments peuvent diminuer l’efficacité de la contraception orale, il y a des solutions pour y pallier.

    Et puis quand le désir de grossesse est là, il est parfaitement possible de le satisfaire.
    A noter pour ceux qui en douteraient que les rapports sexuels ne provoquent pas de crise.

    Pour les traitements, si la chirurgie, dans quelques formes très localisées, a obtenu des guérisons définitives, la plupart du temps, c’est aux médicaments que l’on demande la solution - c’est-à-dire faire disparaître les crises ou du moins en diminuer la fréquence. Les médecins disposent aujourd’hui de plusieurs médicaments permettant de mener une vie quasi normale. Si plusieurs années s’écoulent, sans récidives, le traitement pourra même être arrêté. Mais dans 10 à 20 % des cas, en revanche, ce sera l’échec. C’est à une petite partie de ces épilepsies résistantes que s’adresse la chirurgie.

    L’épilepsie reste une maladie mystérieuse. Mais aujourd’hui, on doit affirmer aux épileptiques qu’ils doivent pouvoir travailler, faire du sport, se marier, avoir des enfants, bref, vivre presque normalement, contrairement à une certaine légende qui a encore la vie dure.

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    JDF