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Indonésie : épidémie mortelle de rougeole en Papouasie

La partie ouest de la Papouasie, à l'est de l'Indonésie, déjà touchée par la pauvreté et la malnutrition, doit faire face à une épidémie mortelle de rougeole. Les experts pressent les autorités d'agir, au risque de voir l'épidémie se répéter selon l'AFP

  • Par Dr Philippe Montereau
  • SURZet/epictura
  • 28 Jan 2018
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    Une épidémie galopante de rougeole, qui a provoqué la mort d’une centaine d'enfants en Papouasie, dans l'est de l'Indonésie, risque de se répéter si les autorités n'agissent pas rapidement pour sortir cette province de la pauvreté et de l'isolement, selon des experts.
    De nombreux villages pauvres dans le district d'Asmat sont très éloignés de tout, tel le village d'Ayam, avec ses maisons sur pilotis. Une simple maison sans équipements modernes y fait office de clinique et les infirmières qui y prodiguent des soins sont débordées, ont constaté des journalistes de l'AFP qui ont pu y accéder.
    Environ 800 enfants sont tombés malades et une centaine seraient morts, pour l'essentiel des bébés, à la suite de cette épidémie rendue publique au début du mois de janvier.

    Réponse tardive des autorités

    Face à la gravité de la situation, le président indonésien, Joko Widodo, a ordonné à des équipes militaires et médicales d'approvisionner en biens de première nécessité et en médicaments les villages isolés de la région, seulement accessibles par bateau ou par les airs pour la plupart.
    La crise sanitaire qui frappe l’Asmat, cette province riche en ressources naturelles, s'explique par des décennies de négligence de la part d’autorités locales peu soucieuses du développement des infrastructures, de la corruption des instances de cette province lointaine et de la pauvreté qui y règnent.
    De nombreux papous y vivent dans des conditions de semi-nomadisme, dans des endroits de la jungle difficiles à atteindre et quasiment sans soins médicaux ni écoles ou autres prestations de base, comme l'accès à l'eau potable.,

    Le poids de l’histoire

    L’Irian Jaya, la partie ouest de la Papouasie, a été annexée par l'Indonésie en 1969, à l'issue d'un conflit sanglant, et après plus d'un siècle de colonisation néerlandaise. Dans cette province, la région des Asmats est restée longtemps très isolée du fait de la géographie et du cannibalisme rituel, qui y était encore pratiqué jusqu’à récemment.
    L’ouverture de l'une des plus grande mine d'or et de cuivre à ciel ouvert au monde a changé la donne pour les Papous d’Asmat. Les autorités ont créé de nouveaux districts et tentent de relocaliser nombre de Papous dans les villages. Mais ces changements forcent les habitants à s'adapter à un tout nouveau mode de vie et à une alimentation qui leur est néfaste. Le contact avec les autres populations s’est également révélé dévastateur. Les Asmats rejettent en général la vaccination, un vaccin pourtant efficace.

    Un sous-développement persistant

    La région d’Asmat est pauvre et bénéficie en théorie d'aides financières importantes du gouvernement central, mais la plupart des fonds n'est pas utilisée pour l'amélioration des services de santé et d'éducation.
    La mine, exploitée par la multinationale américaine Freeport-McMoRan, rapporte chaque année 600 millions de dollars (482 millions d'euros) en recettes fiscales mais cette argent ne profite pas aux Asmat, comme le relève Andreas Harsono, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).

    La rougeole n’est pas une maladie bénigne

    La rougeole est une maladie infectieuse d’origine virale et très contagieuse Ele est liée à un "paramyxovirus" et donne des boutons rouge. Elle se transmet principalement par voie aérienne, par exemple lorsqu’un malade contagieux tousse. Mais les signes précoces de la rougeole (fièvre, yeux rouges, toux et douleurs du ventre), c'est-à-dire avant l'apparition des boutons, sont peu évocateurs, ce qui expliquerait qu'une personne infectée en contamine 15 à 20 autres selon les spécialistes.
    La rougeole peut se compliquer, en particulier chez des nourrissons ou chez des personnes fragiles, et conduire à une hospitalisation. C’est tout d’abord une pneumonie en rapport avec une surinfection par une bactérie. Il s’agit d’une infection grave du poumon qui peut conduire le malade en réanimation. C’est ensuite un risque d’infection virale du cerveau (« encéphalite »). Ces complications peuvent entraîner le décès et donner des séquelles pulmonaires et neurologiques à vie.

    « J'espère que cette crise va aider certaines personnes ici, du moins celles qui sont au pouvoir, à changer d'attitude, car si elles choisissent de faire comme d'habitude, une autre crise éclatera également l'an prochain », a mis en garde Andreas Harsono, représentant de Human Rights Watch (HRW).

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