Santé publique

Activité physique et maladies chroniques : prévention de la maladie et de son aggravation

Un groupe d’expert de l’INSERM valide l’importance de l’exercice physique dans la prévention des maladies chroniques, mais aussi de leur aggravation. C’est une révolution. Des recommandations pratiques en fonction des maladies et des patients sont proposées.

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  • 15 Fév 2019
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    Les maladies chroniques représentent la première cause de mortalité dans le Monde selon l’OMS et affectent principalement les personnes âgées de 50 ans et plus. En France, la part des personnes âgées de 60 ans et plus devrait passer d’un quart, en 2015, à un tiers de la population, en 2040. Or, actuellement, si un français sur quatre souffre d’une maladie chronique, c’est trois sur quatre après 65 ans.

    Avec l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de personnes âgées souffrant de maladies chroniques, et les limitations fonctionnelles qui en découlent, vont exploser : le nombre de personnes dépendantes passera ainsi de 1,2 million, en 2012, à 2,3 millions en 2060. Améliorer la prévention et la prise en charge des maladies chroniques c’est donc répondre à une urgence majeure de santé publique. L’Inserm a donc été mandaté par le ministère des Sports pour faire des recommandations sur l'intégration de l’activité physique dans le parcours de soin des différentes maladies chroniques.

    Importance de l’exercice physique

    Selon le rapport de l’OMS de 2010, un large pourcentage des maladies chroniques est accessible à la prévention par des interventions sur quatre facteurs de risque principaux : consommation de tabac, inactivité physique, consommation d’alcool et mauvaise alimentation. En France, les estimations actuelles des coûts directs (75 %) et indirects (25 %) de l’inactivité physique seraient de l’ordre d’1,3 milliard d’euros.

    Les maladies chroniques et leurs complications contribuent très fortement à l’état de dépendance. La prévention de leur apparition, mais aussi de leurs complications, est de ce fait un enjeu central pour le maintien de l’autonomie, notamment chez les personnes âgées. Des actions de prévention de l’inactivité physique peuvent être mises en œuvre en amont des maladies, mais aussi à tout moment de l’évolution de celles-ci.

    Les enjeux de l’inactivité physique

    L’enjeu n’est pas de savoir si on doit recommander une pratique régulière d’activité physique adaptée aux personnes atteintes d’une maladie chronique, car il n’y a plus aucun doute sur cette nécessité, mais plutôt de déterminer les programmes les plus efficients selon les maladies chroniques, les aptitudes physiques des malades, leurs ressources et leur environnement.

    Il s’agit donc d’identifier les déterminants permettant l’adoption d’une activité physique pérenne et insérée dans les habitudes de vie afin d’éviter l’écueil d’un programme d’activité physique efficace dans un essai clinique, mais qui serait impossible à appliquer en vie réelle. Il faut rappeler que « activité physique » n’est pas obligatoirement synonyme de sport et que d’autres activités sont praticables par les non-sportifs et sont tout aussi efficaces.

    Dans de nombreuses maladies chroniques le repos a longtemps été la règle, mais les études scientifiques les plus récentes ont conduit à un véritable changement de paradigme : l’activité physique fait désormais partie intégrante du traitement des maladies chroniques. Sa prescription doit être systématique et aussi précoce que possible, avant même tout traitement médicamenteux pour la dépression légère à modérée, le diabète de type 2, l’obésité et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

    Des recommandations spécifiques par pathologie

    S’il existe des variations des modalités de l’activité physique selon les maladies chroniques, par contre, tous s’accordent sur la fréquence de la pratique d’une activité physique adaptée : un minimum de 3 séances par semaine.

    Obésité : des programmes d’activité d’endurance en mettant l’accent sur la diminution du tour de taille comme paramètre de suivi plutôt que sur la perte de poids ;

    Diabète de type 2 : privilégier l’association du renforcement musculaire et des activités d’endurance dans des intensités modérées à fortes ;

    Maladies coronaires : poursuite d’une activité physique régulière d’endurance à optimiser en jouant sur l’intensité de l’exercice ;

    Artériopathie oblitérante des membres inférieurs : la marche est le traitement de première intention ;

    Insuffisance cardiaque : tous les malades, quel que soit le degré de sévérité de la maladie, peuvent bénéficier d’un programme de réentraînement à l’effort grâce à un entraînement régulier et progressif : idéalement, 30 minutes d’activité modérée 5 fois par semaine dans la dernière phase du programme qui doit être poursuivi tout au long de la vie ;

    Accident vasculaire cérébral (AVC) : activité physique régulière intégrant la pratique des gestes journaliers en améliorant les capacités cardiorespiratoires et la force musculaire afin de réduire l’impact des séquelles neuromusculaires sur la qualité de vie et prévenir les récidives ;

    Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) : activité physique régulière pérenne et variée (endurance, renforcement musculaire, natation, tai chi…) afin d’améliorer la qualité de vie et réduire les limitations fonctionnelles des complications ;

    Asthme : activités d’endurance pour réduire l’importance et la fréquence des crises par l’amélioration du VO2max, de l’endurance et de la capacité d’exercice ;

    Maladies ostéo-articulaires : programmes d’activité physique adaptée en fonction de la ou des articulations malades et une pratique pérenne pour prévenir et/ou réduire le handicap et la douleur ;

    Cancers : programmes combinant endurance et renforcement musculaire afin d’améliorer la qualité de vie et réduire les effets secondaires liés au cancer et aux traitements (déconditionnement musculaire, fatigue, intolérance au traitement…) ;

    Dépression : programmes combinant endurance et renforcement musculaire afin de prévenir les récidives et améliorer les symptômes.

    Adapter la prescription d’activité physique

    Les principales barrières à la pratique de l’activité physique sont en général liées à la maladie elle-même (douleurs, fatigue, effets secondaires de certains traitements…). L’enjeu est donc d’adapter la pratique à l’état de santé du patient, ainsi qu’à son traitement, ses capacités physiques, ses risques médicaux et ses ressources psychosociales.

    La démarche repose sur l’évaluation initiale du niveau d’activité physique du malade et sa tolérance à l’exercice par un entretien et/ou des tests simples (ex : test de marche de 6 minutes). Des tests plus complexes (ex : épreuve d’effort cardiorespiratoire) seront ensuite indispensables pour permettre une adaptation de la prescription en termes d’intensité de la pratique et pour la sécuriser chez les personnes les plus vulnérables. Le suivi de l’évolution de la condition physique et de la tolérance à l’exercice doit être réalisé pour adapter la prescription sur des indicateurs adaptés.

    L’individualisation de la prescription d’activité physique doit également tenir compte des préférences et des attentes du malade car elles conditionnent son intérêt et son plaisir dans la pratique de cette activité et donc sa pérennité. Il s’agit d’intégrer la pratique de l’activité physique dans son mode de vie et en fonction de son lieu de vie. Cela veut dire également intégrer le malade dans le choix afin de favoriser son engagement sur le long terme.

    Associer la prescription à une démarche éducative

    Le groupe d’experts de l’INSERM recommande d’articuler les programmes d’activité physique avec les programmes d’éducation thérapeutique et d’initier toute démarche par un bilan éducatif partagé qui invite le patient à identifier ses habitudes de vie, ses besoins, ses possibilités, ses envies, ses freins et la manière dont il aimerait pouvoir être aidé… Il conviendra alors de fixer un objectif et d’identifier les moyens qu’il mobilisera pour l’atteindre. Des bilans de suivi permettront d’ajuster les objectifs et de renouveler les moyens tout au long de ce programme.

    Proposer des types de pratiques efficaces mais également ludiques et motivantes doit être un souci constant. L’engagement des personnes atteintes de maladie chronique dans une activité physique régulière est principalement motivé par le plaisir et l’intérêt qu’elles y trouvent mais aussi par leurs croyances en termes de bénéfices perçus, aussi bien pour leur santé physique que pour leur bien-être psychologique. À l’inverse, le manque de connaissances sur les effets positifs de la pratique de l’activité physique, ou des croyances défavorables selon lesquelles celle-ci serait inutile dans la gestion de leur pathologie, peuvent être à l’origine de l’absence d’initiation ou de maintien de sa pratique.

    Former les médecins et les professionnels de l’activité physique

    La formation des médecins à la connaissance théorique et pratique des bénéfices de l’activité physique et les dispositifs d’intervention en activité physique est nécessaire en direction de l’ensemble des professionnels de santé. Cela nécessite une généralisation des modules obligatoires relatifs à la prescription de l’activité physique dans la formation des étudiants en médecine, ainsi qu’une formation continue des médecins et le développement d’échanges et de réflexions communes entre différentes professions impliquées en faveur de la pratique de l’activité physique adaptée.

    Les intervenants en activité physique adaptée doivent être formés pour connaître les interactions entre l’activité physique et la maladie chronique dans la conception de programmes et de séances destinés aux patients et savoir les mettre en œuvre.

    Promouvoir la recherche

    Peu d’études évaluent sur le long terme « en conditions réelles » les conditions du maintien de la pratique d’activité. Or, un patient atteint de maladie chronique doit faire face aux éventuels effets secondaires ou séquelles des traitements et gérer l’évolution de sa maladie avec l’avancée en âge. Celle-ci peut se traduire par l’apparition d’autres maladies appelées comorbidités, des symptômes anxieux ou dépressifs ou encore des dysfonctionnements neurocognitifs.

    Le groupe d’experts recommande de consolider les recherches concernant la faisabilité, le rapport bénéfice-risque, l’adhésion sur le long terme à la pratique d’activité physique et en particulier d’étudier les conditions nécessaires au maintien de la pratique, surtout lors des phases de transition (de l’hôpital au centre de soin de suite et de réadaptation, du centre à la médecine de ville, de la médecine de ville au domicile). Le groupe d’experts recommande également d’évaluer les nouveaux outils technologiques et de tester leur efficacité afin d’estimer l’intérêt de les intégrer dans le parcours des patients.

    Le plan national « sport santé bien-être » a débouché sur de nouveaux partenariats dans les 22 régions avec le développement d’une offre d’activité physique à visée de prévention des maladies chroniques. En développant la prescription par le médecin traitant d’une activité physique adaptée aux patients atteints de maladies chroniques, l’article 144 de la Loi de santé publique et les outils qui l’accompagnent, visent à une généralisation de ce type de prescriptions. Reste la question de l’accessibilité à cette offre de soin ou de prévention pour l’ensemble des personnes atteintes de maladies chroniques, quels que soient leur âge, leur lieu de de résidence ou leurs ressources.

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    JDF